La position de la Société suisse des officiers

Ulrich Siegrist, conseiller national, Lenzburg (AG)

Je ne peux, dans ce bref exposé, évoquer que certains points de la position de la Société suisse des officiers, la SSO. Vous trouverez à ce sujet sur le site Internet de la SSO (www.sog.ch) une prise de position détaillée, précise et relatant la position de l’ensemble de notre organisation (mise à jour en septembre 2004). Je tiens à relever à ce propos que ce document est actuellement le seul à énoncer des exigences et des profils de prestations concrets pour l’armée. Malheureusement, la majorité des autres documents publiés ces derniers temps à ce sujet ne contiennent que des propositions ponctuelles et souvent contradictoires. Et, malheureusement, la séance spéciale que le Conseil fédéral a tenue en septembre dernier n’a pas non plus fait avancer les choses et, malheureusement aussi, le document que la direction de l’UDC nous soumet aujourd’hui ne contient pas non plus d’analyses et de propositions réellement nouvelles.

Large confusion

Exactement comme l’UDC, nous constatons une large confusion au sujet de l’armée et aussi un certain vide au niveau suprême du commandement. La mise en vigueur de la réforme Armée XXI a mis en évidence ces deux problèmes, notamment après la dernière pause estivale. Toutefois, ces difficultés d’orientation ont déjà commencé au début des années nonante.

On peut lire dans l’introduction du document de l’UDC que l’objectif de cette discussion est de faire pas à pas de l’armée un instrument de sécurité performant, apte à répondre à la menace actuelle et soutenu par le large public. Ce fut déjà l’objectif de la réforme Armée XXI. Le résultat impressionnant de la votation du mois de mai 2003 montre bien que le peuple soutient les solutions proposées par cette réforme.

Mais cela n’est pas suffisant: il faut attendre que cette réforme soit entrée dans les faits pour que l’armée ait enfin le visage et le profil visés. On savait que ce processus de changement allait durer jusqu’en 2008 et il est évident aussi qu’une œuvre aussi gigantesque allait forcément se heurter à quelques difficultés initiales. Mais le véritable problème réside aujourd’hui au niveau de la conduite militaire et politique de cette réforme. Ces défauts peuvent certes encore être corrigés, mais la confusion qui en a résulté inquiète tous les acteurs concernés.

Le plan directeur est une base optimale pour la transformation de l’armée

Voyons plus en détail ce qui se passe actuellement dans ce processus d’application de la réforme Armée XXI. Le nouveau modèle directeur et la révision de la loi approuvée par le peuple constituent une base optimale pour ce processus, et cela pour les raisons suivantes:

1. le plan directeur repose sur une analyse de la menace telle qu’elle se présente véritablement aujourd’hui. A l’époque, l’UDC avait contesté ce changement fondamental qui vise à passer d’une conception figée de l’ennemi à une analyse de la propre vulnérabilité. Aujourd’hui, l’UDC admet la nécessité de cette réorientation. Or, ce changement s’est effectué en 2001 déjà avec les nouvelles analyses du risque dont les résultats sont entrés dans le plan directeur.

2. le débat sur le plan directeur a été fortement marqué par les formations de milice dans la procédure parlementaire et surtout durant les consultations précédentes. La milice a pu largement faire valoir ses exigences. Aussi, le plan directeur et la loi sont-ils fortement empreints de l’idée de la milice. Cette nette orientation en fonction des besoins de la milice a même fait que les revendications des professionnels n’ont pas été suffisamment prises en compte. Les professionnels n’ont pas été écoutés autant que la milice. On s’en rend d’ailleurs compte dès les premiers mois de la réforme: nous assistons malheureusement au départ d’officiers de carrière, qui estiment ne pas avoir de bonnes chances professionnelles, alors que nous constatons un intérêt accru chez les officiers de milice, une augmentation du nombre de postes de commandement occupés par des miliciens et, pour la première fois depuis longtemps, nous avons à nouveau plusieurs miliciens parmi les officiers généraux.

3. la grande majorité des officiers actifs et toutes les formations de milice – donc pas seulement la SSO – demandent donc une rapide concrétisation du plan directeur. Les idées présentées par le DDPS et débattues durant la séance spéciale du Conseil fédéral sont sans doute fort intelligentes, mais elles ne sont guère utiles dans la situation actuelle et elles ont encore augmenté la confusion.

Par contre, nous soutenons pleinement les autres décisions du Conseil fédéral et la planification lancée en vue des mandats principaux de l’armée, soit la sauvegarde des conditions d’existence, les engagements de sûreté sectoriels et la promotion de la paix ainsi que le développement d’un noyau pour le rétablissement de la compétence de défense. Il s’agit là d’éléments du plan directeur.

4. contrairement à l’introduction au document de l’UDC, nous estimons que ni le Conseil fédéral, ni le parlement n’ont à discuter aujourd’hui du principe de la milice, de l’obligation générale de servir, de la neutralité et des tâches de l’armée. Faute d’absolue clarté sur ces points, tout le système actuellement en cours de réforme risque de s’effondrer.

Pondération des tâches de l’armée

S’agissant de la pondération des tâches de l’armée, nous estimons que les points suivants sont essentiels:

– les tâches concernant la sauvegarde subsidiaire des conditions d’existence, notamment les tâches aux frontières et dans l’air ainsi que des tâches annexes en dehors du mandat de garantir les conditions d’existence, prennent actuellement trop de place. En principe, les engagements subsidiaires, y compris la surveillance des ambassades dans certaines conditions, font cependant partie du mandat de l’armée. La nouvelle définition du risque entraîne une augmentation des engagements de ce type. Les formations de milice y prennent également part. Une armée de milice digne de ce nom doit participer à des engagements réalistes et elle est parfaitement capable de le faire.

C’est aussi une affaire de mesure. Aujourd’hui, les unités en cours de répétition forment le gros de ces engagements. Il ne reste de ce fait plus assez de temps pour former la troupe afin qu’elle puisse assumer les autres mandats principaux de l’armée. Ce défaut doit être corrigé et le Conseil fédéral a pris les mesures qui s’imposent durant sa séance spéciale.

– le travail principal du gros de l’armée doit être l’instruction en vue des engagements de sûreté sectoriels. Il s’agit là actuellement de la forme la plus moderne de la défense nationale. Elle comprend la protection des principales infrastructures, éventuellement aussi de quartiers de villes, de secteurs du territoire et de réseaux de transport.

Il faut à cet effet instruire les formations, notamment au niveau des bataillons, exactement comme le prévoit le plan directeur. Le gros de l’infanterie, de l’armée de l’air ainsi que des parties de l’artillerie et éventuellement aussi des troupes mécanisées doivent recevoir une préparation de base pour être aptes à intervenir.

Les engagements de sûreté sectoriels doivent devenir la base de l’armée. C’est sur cette base que l’on pourra concevoir aussi bien des tâches subsidiaires de sauvegarde des conditions d’existence ainsi que des tâches de défense. Et c’est ainsi que l’on peut assurer une relève quantitativement et qualitativement suffisante.

– cependant, la collaboration des différentes armes à un niveau exigeant et en grandes formations devra aussi être exercée pour une partie de la conduite, de l’artillerie, des troupes mécanisées ainsi que des troupes d’appui. Cette partie devra dans la mesure du possible être libérée des tâches de sauvegarde de l’existence pour avoir le temps de suivre cette instruction. Ce modèle n’institue donc nullement une armée à deux classes comme le prétend un slogan du document UDC.

Pas « l’un ou l’autre », mais « l’un et l’autre »

La pondération instituée par le système Armée XXI est juste. Il faut savoir aussi qu’il ne s’agit pas, dans la discussion sur les unités en cours de répétition, les soldats en service long, les soldats contractuels ou les professionnels, de choisir entre l’une ou l’autre forme, mais de les utiliser toutes. Nous avons besoin d’un plus grand nombre de policiers, mais aussi de soldats en service long ainsi que de bataillons de milice préparés aux tâches esquissées ici. La meilleure manière de se préparer à un avenir incertain n’est pas de choisir entre l’un ou l’autre, mais de procéder à un bon mélange du tout.

Deux fois déjà le peuple suisse a confirmé que la promotion de la paix sur la base d’interventions soigneusement limitées à l’étranger faisait partie du mandat de l’armée. Il n’y a donc pas à y revenir. De plus, le groupe parlementaire UDC a admis il y a quatre ans dans sa majorité qu’une coopération internationale était utile à la formation militaire.

L’instruction est essentielle

C’est à juste titre que l’UDC met l’accent sur une bonne instruction militaire. Mais pour atteindre cet objectif, nous avons besoin de plus de soldats effectuant un service de longue durée. C’est là une revendication claire et nette des officiers de milice et des commandants qui, également dans la nouvelle armée et contrairement aux allégations contenues dans le document UDC, sont responsables de l’instruction et de la préparation de leur formation. Si on suivait les exigences de l’UDC, la durée du service des cadres de milice prendrait des proportions insupportables. Les officiers de milice s’en iraient forcément. Je ne comprends pas pourquoi l’UDC combat régulièrement des exigences essentielles de la milice. Et je vois mal aussi pourquoi l’UDC demande la multiplication des officiers de carrière, qui coûtent cher à l’armée, et la suppression de la catégorie beaucoup plus souple des officiers contractuels. C’est exactement le contraire de ce que nous défendons habituellement en matière de politique du personnel de la Confédération.

Réduction des distances de transport par l’optimisation des bases logistiques

Les déclarations sur la logistique sont également mal réfléchies. La nouvelle conception logistique ne vise pas une centralisation, mais bien une réduction des distances de transport par une répartition optimale des bases logistiques. Le système logistique devient ainsi moins vulnérable et non pas le contraire. En tous cas, nous refusons que, pour des motifs de politique régionale, l’armée se voit imposer un système logistique fonctionnant mal et inutilement cher.

Même constat pour les aérodromes. Notre parti devrait être au premier rang quand il s’agit de se prononcer sur l’avenir de l’armée de l’air au lieu d’ergoter sur le nombre d’aérodromes. Nous ne pourrions tout de même pas accepter qu’il y ait un jour plus d’aérodromes que d’avions militaires.

Non à une nouvelle confusion

Je constate cependant en conclusion que le document qui nous est présenté aujourd’hui présente quelques améliorations essentielles par rapport au projet qui date d’un mois. Il faut en remercier les auteurs. Il faut reconnaître aussi que ce document tend, contrairement à des prises de position précédentes, à mieux tenir compte du développement de la situation réelle.

Je serais heureux si nous adoptions aujourd’hui des thèses qui n’accroissent pas la confusion, mais qui poursuivent sur la voie proposée par les formations de milice.

 
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