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Agriculture

L’initiative pour des aliments sans manipulations génétiques mérite votre soutien

En 1998, le peuple suisse a rejeté l’initiative contre le génie génétique qui visait à imposer une interdiction générale de cette technologie. Le souverain helvétique a donc dit oui à cette…

Josef Kunz
Grosswangen (LU)

En 1998, le peuple suisse a rejeté l’initiative contre le génie génétique qui visait à imposer une interdiction générale de cette technologie. Le souverain helvétique a donc dit oui à cette technologie, dans le domaine médical avant tout, en chargeant le Conseil fédéral d’y adapter la législation en vigueur. Ces révisions légales concernaient avant tout la loi sur la protection de l’environnement, la loi sur la protection des animaux, la loi sur l’agriculture, la loi sur la responsabilité du fait des produits ainsi les prescriptions sur la déclaration des produits. Le Conseil fédéral avait initialement l’intention de réviser tous ces textes de loi dans ce sens. Durant la session d’été 2001, le Conseil des Etats a cependant proposé sa propre loi sur le génie génétique et les deux Chambres fédérales ont fini par adopter ce texte en 2002. L’idée d’un moratoire de cinq ans sur la dissémination de plantes génétiquement modifiées a été rejetée de justesse pendant l’examen de cette loi. Idem pour la proposition d’inscrire un tel moratoire dans la loi sur l’agriculture. Par la suite, l’initiative pour une agriculture sans génie génétique a été déposée avec quelque 130’000 signatures. C’est elle qui sera soumise au souverain le 27 novembre prochain.

Que veut cette initiative?

Le moratoire de 5 ans porte sur les plantes et les semences génétiquement modifiées qui sont destinées à la production agricole. De plus, cette initiative interdit l’importation et l’élevage d’animaux vertébrés ayant subi des modifications génétiques. L’utilité du génie génétique en médecine est incontestée et la recherche est clairement exclue de ce moratoire. Il y a une grande différence entre la recherche scientifique et la médecine, d’une part, la dissémination d’OGM dans la nature, d’autre part: en médecine, mais aussi dans la recherche, les applications des technologies génétiques sont clairement confinées; ce n’est pas le cas pour les essais de culture en plein air. Dans ce dernier cas, les risques ne sont pas encore clairement définis.

Les consommateurs ne veulent pas de produits génétiquement modifiés

A l’heure actuelle, environ 80% des consommateurs refusent des aliments issus d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Or, on ne cesse de conseiller aux agriculteurs suisses de produire ce que demande le marché. Si l’agriculture suisse se mettait à travailler avec des OGM, ce serait une véritable provocation des consommateurs.

De plus, en cas d’introduction de cultures partant d’OGM, les coûts de la transformation augmenteraient massivement parce qu’il faudrait clairement séparer les deux filières de production, la classique et celle basée sur les OGM. Cette augmentation des coûts de production n’est ni dans l’intérêt des agriculteurs, ni dans celui des consommateurs.

Il n’y aura pas deux filières parallèles en Suisse

En Suisse, où l’agriculture travaille sur de petites surfaces, il est impossible de produire parallèlement avec et sans OGM. Comparez donc nos petits champs de blé avec les vastes cultures céréalières de l’UE, voire du Canada. Pour chaque parcelle ensemencée d’OGM en Suisse, il faudrait prévoir deux à trois parcelles voisines sans OGM. Le mélange des espèces par le transport des pollens dans l’air serait inévitable. Une moissonneuse-batteuse est engagée le même jour sur plusieurs champs. Comment dans ces conditions empêcher un mélange des récoltes et comment assurer la séparation des filières de production? C’est impossible. Dans ces conditions, la question n’est pas de savoir combien d’OGM nous allons cultiver en Suisse, mais de savoir quand toute la Suisse va passer aux OGM.

La recherche scientifique n’est pas concernée

La recherche scientifique n’est pas touchée par ce moratoire et son bon fonctionnement ne dépend certainement pas de l’agriculture. Notons en passant que l’agriculture serait heureuse que dans d’autres circonstances on lui accorde la même importance que dans ce dossier. Les expériences de dissémination d’organismes génétiquement modifiés pourront continuer de se faire. Il est totalement excessif de prétendre que cette recherche se déplacera à l’étranger en cas d’acceptation du moratoire. J’ai du mal à comprendre cette argumentation. Le bon sens nous commande au contraire d’attendre que la recherche scientifique nous fournisse de nouvelles informations concernant les effets des plantes génétiquement modifiées sur l’environnement, les animaux et la digestion.

L’agriculture vous est reconnaissante

L’agriculture suisse est de plus en plus exposée à la rude concurrence des marchés internationaux. Elle ne peut déplacer sa production à l’étranger comme cela se pratique dans l’industrie pour réduire les frais de production. Les agriculteurs sont obligés de produire en Suisse, donc dans un pays à prix élevés. Nous savons bien, nous autres paysans, que jamais nous ne pourrons offrir nos produits aux mêmes prix que nos concurrents de l’UE. De plus, la transformation des produits agricoles coûte environ 30% plus cher en Suisse que dans l’UE. Il faut se rappeler aussi que les accords bilatéraux II et l’OMC renforceront la pression sur l’agriculture helvétique. Il est donc extrêmement important que nos produits se distinguent des denrées étrangères non seulement par le prix, mais aussi et surtout par la qualité de la production sur les plans de la protection des animaux, du respect de l’environnement et de la technique génétique. L’agriculture suisse a aujourd’hui la chance unique de pouvoir se profiler sur les marchés suisse et étrangers par des produits exempts d’OGM, donc une nouvelle gamme de spécialités. Je suis persuadé qu’à la longue seules les spécialités ont une chance sur le marché. Et un produit exempt d’OGM peut parfaitement être considéré comme une spécialité.

Les accords bilatéraux illustrent la difficulté de placer les produits suisses – le fromage, notamment – sur les marchés UE, voire de gagner des parts de marché supplémentaires.

Je le répète: dans une agriculture aux structures aussi serrées que celles de la Suisse, il ne sera jamais possible de mettre en place en parallèle une filière de production sans OGM et une autre avec OGM. Nous devons donc être extrêmement prudents. Cette initiative populaire encourage la production sans OGM, ce qui est fondamental pour l’agriculture suisse. Elle donne aux agriculteurs une marge de manœuvre supplémentaire en leur permettant de réévaluer la situation après l’échéance du moratoire de cinq ans. Je vous recommande donc de voter pour cette initiative.

Josef Kunz
Grosswangen (LU)
 
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