Quels sont du point de vue entrepreneurial les facteurs à succès de la Suisse?

Il est grand temps aujourd’hui de mettre fin à cette manie régulatrice et de réduire progressivement l’empreinte laissée par l’Etat.

Mesdames et Messieurs,

Une année de plus vient de se terminer et encore une fois notre système politique a régulé à tour de bras et édicté une foule de prescriptions. La densité normative ne cesse de croître et l’influence de l’Etat s’étend constamment. La confiance dans les chefs d’entreprises privées et dans les lois du marché en souffre. Les discussions publiques et politiques sur les valeurs libérales fondamentales et leur application sont de plus en plus difficiles. Il semble que la boussole politique soit perturbée. 43% (42,6%) de la totalité des richesses créées sont aujourd’hui redistribuées par l’Etat via les impôts, prélèvements obligatoires et redevances. Seules 57,4% de ces richesses restent auprès des particuliers. Un tiers (33%) des salariés travaillent directement à l’Etat ou dans une entreprise dominée par l’Etat.

On comprend que la crise financière et de l’endettement ait renforcé la tendance à demander une plus forte intervention de l’Etat et le contrôle de l’économie. Il est cependant grand temps aujourd’hui de mettre fin à cette manie régulatrice et de réduire progressivement l’empreinte laissée par l’Etat. Les interventions de l’Etat dans le marché doivent être réduites au strict minimum nécessaire. La subsidiarité et la priorité de la concurrence doivent redevenir des principes politiques clés.

Les facteurs qui ont jusqu’ici fait le succès de notre pays sont vite énumérés: la stabilité politique, des finances publiques relativement saines, peu de chômeurs, une bonne infrastructure, notre système de formation, un régime économique libéral, la capacité d’innover, la sécurité. Tous ces facteurs sont le résultat de notre système fédéraliste et de notre démocratie directe – et aussi de vertus comme la volonté à l’effort, la fiabilité, la prévisibilité, la modestie et la clairvoyance.

Nous autres représentants de l’économie, nous évoquons souvent la "compétitivité de l’économie suisse" et nous oublions que les entreprises, leurs collaborateurs et nous-mêmes sont tous des membres de la société de ce site économique. Et que c’est la société qui fixe les conditions-cadres de la concurrence.

Face au développement des marchés globaux du travail, je crois que la Suisse doit relever des défis plutôt politiques et sociaux qu’économiques. La manière dont les chefs d’entreprise et les citoyens sauront relever ces défis sera déterminante pour l’avenir de la Suisse. Il s’agit aujourd’hui de bien plus que de l’attractivité économique de la Suisse. Il s’agit de la Suisse, de notre pays. Une chose est donc claire pour moi: si la situation devient réellement difficile, le citoyen et père Dörig prendra le pas sur le dirigeant économique Dörig, les intérêts à long terme du pays passant avant les intérêts économiques.

Ce que je veux dire par là

Dans le contexte actuel, nous devons avant tout garder à l’œil les développements à long terme. Car il s’agit de notre avenir. De notre prospérité des emplois, de la sécurité sociale, d’un environnement intact. Du travail et de la formation. De l’autodétermination, de l’indépendance et de la compétitivité de la Suisse. Que voulons-nous – pour notre pays, pour notre société, pour nos enfants?

Si souvent cité, le modèle à succès suisse – donc aussi notre succès économique – ne peut se prolonger et prospérer pour nos enfants que s’il repose sur une base solide. Et cette base s’appelle cohésion sociale. Au fond, il s’agit toujours du travail, de la formation et de la garantie des systèmes sociaux.

Permettez-moi quelques réflexions sur cette base que je viens de mentionner. Comme président d’une agence de travail leader au niveau mondial et d’une compagnie d’assurance-vie suisse, je parle en connaissance de cause.

Le travail est le lien entre la formation et la garantie des systèmes sociaux. Le travail marque le cycle de vie de chaque être humain. Durant l’adolescence nous constituons nos connaissances de base. Arrivés à l’automne de notre carrière professionnelle, nous possédons des connaissances d’expert. Voilà, Mesdames et Messieurs, la dimension individuelle du travail.

Mais le travail n’est pas un phénomène isolé; il se déroule dans un contexte local, régional, national, supranational et global. Dans le contexte national, le travail est une tâche de la politique de la formation et une condition à la prospérité de l’économie. Au niveau supranational, l’absence de travail provoque des migrations et le dépeuplement; au niveau global on assiste à une concurrence pour le travail.

Le travail est donc une tâche éminemment politique dans le champ de tension déterminé par l’individu et l’Etat. Il est une condition indispensable à la garantie des systèmes sociaux et au maintien de la paix sociale. Ce champ de tension ne doit et ne peut pas se développer de manière archaïque. Il doit être contrôlé par des têtes conscientes de l’importance politique et sociale de cette tâche et de la responsabilité qu’ils assument.

La vertu de la responsabilité individuelle

L’époque que nous vivons est marquée par une mentalité revendicatrice et par l’exigence de garanties. De plus en plus de tâches sont déléguées à l’Etat. L’actuel endettement de nombreux pays indique cependant clairement que les excès de l’Etat social ne sont plus supportables financièrement. Je me permets donc de rappeler une vertu qui semble démodée aujourd’hui: la responsabilité individuelle. La responsabilité de sa propre formation, de sa propre place de travail, la responsabilité de sauvegarder sa capacité personnelle de s’imposer sur le marché du travail. C’est d’elle que dépend la validité de l’équation qui lie tous les éléments entre eux.

La voici, cette équation:
formation = travail = système social financièrement supportable = contrat entre les générations

Nous le voyons d’un seul coup d’œil: le travail est au centre; sans travail rien ne va.

Mais que signifie le travail?

L’encyclopédie Brockhaus définit le travail comme suit (traduction de l’allemand): "Une action consciente et ciblée servant à garantir l’existence et à satisfaire des besoins individuels; parallèlement, le travail est un élément essentiel parmi ceux donnant un sens à la vie". Et Albert Einstein a dit un jour: "Les personnalités ne se forment pas par de beaux discours, mais par le travail et par les propres performances." Vous le voyez bien: nulle trace de l’Etat dans ces belles phrases!

Jetés entre-temps aux oubliettes de l’histoire, les systèmes communistes intégraient le travail dans un projet de société et économique totalitaire: le travail, la production et l’économie publique étaient globalement l’objectif d’un processus de planification centralisé. Ce modèle s’est avéré non viable.

Le travail et la planification du travail ne doivent pas être soumis à la tutelle de l’Etat. Ils évoluent en fonction des besoins des employeurs, besoins qui, idéalement, harmonisent avec les inclinations et les talents personnels des employés.

Le travail, Mesdames et Messieurs, est, dans le contexte national, un marché qui s’oriente en fonction de l’offre et de la demande.

Après une époque de réduction progressive des horaires de travail – jusqu’à la semaine de 35 heures – nous constatons en Europe depuis une dizaine d’années une tendance vers une extension des horaires de travail. Le travail est et reste un élément central de la vie de la population active. Une personne engagée dans le processus de travail ne passe à nulle part autant de temps qu’à sa place de travail. Elle y trouve dans le meilleur des cas une valorisation de sa personne et des possibilités d’épanouissement. C’est ici aussi que se déroulent la majeure partie des relations sociales en dehors de la famille.

Ce constat vaut encore plus au sens figuré. La garantie des institutions sociales dépend dudit contrat entre les générations: la population en âge d’exercer une activité lucrative paie les rentes des aînés, voilà la formule en vigueur depuis qu’il existe des systèmes de rentes. C’est aussi la formule de la paix sociale entre les générations.

Cet équilibre établi entre donner et prendre risque de basculer. Il y a de nombreuses raisons à cela: l’espérance de vie des habitants d’Europe occidentale augmente en moyenne de dix semaines par an. Les aînés sont donc toujours plus nombreux. En Allemagne, une personne sur cinq a déjà 65 ans ou plus; cette proportion sera de 1 à 3 en 2040!

En Suisse ledit rapport de dépendance des personnes âgées – le rapport entre les plus de 65 ans et les 20 à 64 ans – est actuellement de 28% et, selon les pronostics, passera à 53% en 2060. En chiffres, cela signifie un doublement de la population âgée par rapport à aujourd’hui. Aujourd’hui déjà, le nombre de personnes entrant nouvellement dans la vie professionnelle est plus petit que celui des nouveaux rentiers. Le rapport entre les cotisants et les bénéficiaires de rentes évolue de manière dramatique.

D’un point de vue économique, le travail est le cordon ombilical entre la génération active et la génération des rentiers – à condition, bien sûr, qu’il y ait suffisamment de travail à disposition sur le marché.

Que signifie l’absence de travail?

Dans la réalité européenne, la disponibilité du travail est devenue un problème systémique en raison de la crise financière et de l’endettement. En Espagne, une personne sur quatre est en quête d’un emploi et même une sur deux chez les 25 à 34 ans! En Grèce, une personne sur cinq est sans emploi, en Italie une sur huit et en France une sur dix. Le chômage provoque l’effritement du ciment entre les générations.

Le chômage met les humains en mouvement. L’Espagne, la quatrième économie dans l’ordre de grandeur de l’UE, souffre de plus en plus d’une émigration de masse. Des jeunes Espagnols bien formés, mais sans perspective professionnelle dans leur patrie, quittent le pays.

A côté des motifs traditionnels de migration comme la guerre, la pauvreté ou la destruction de bases vitales, des phénomènes qui ravagent notamment le Tiers-Monde, le chômage accroît lui aussi la migration au sein de l’Europe.

Où va donc le travail?

Depuis la chute du Mur de Berlin, l’effondrement de l’Union soviétique et l’admission de la Chine et de la Russie dans l’OMC en 2001 et 2012, le monde est entré dans une nouvelle phase de globalisation. Le travail émigre d’Europe et part vers l’est, dans l’espace asiatique. Il est marqué par une large libéralisation du commerce de marchandises et de services, des flux financiers et aussi par des investissements directs tout autour du globe.

La mobilité des capitaux placés ajoutée à la libéralisation du commerce provoque depuis le début de ce millénaire un déplacement des capacités de production vers des marchés émergents. Cela signifie que le travail est plus mobile que jamais dans l’histoire de l’humanité.

Presque tous les jours nous apprenons des déplacements de sites de production de l’Ancien Monde, des Etats-Unis ou d’Europe vers l’espace asiatique ou du moins vers l’Europe de l’Est. Parallèlement, des places de travail industrielles disparaissent dans les pays à salaires élevés.

Une étude de la banque HSBC sur le "monde en 2050" arrive à la conclusion que la taille des marchés émergents se multipliera par cinq d’ici au milieu de ce siècle et que ces marchés seront alors plus grands que les actuelles nations industrialisées du Premier Monde. Là où il y a de la croissance, il y a aussi du travail.

Très pessimiste, tout cela, n’est-ce pas?

Tout semble se liguer contre les anciennes nations industrialisées: la démographie, l’endettement, le transfert d’emplois, la perte de places de travail assurées, la pression migratoire.

On serait tenté de penser que la fin d’une ère est arrivée, l’ère d’une région ou la révolution industrielle a débuté. C’est comme si toute la force vitale était épuisée, comme si tout un continent partait littéralement à la retraite.

Vous aurez remarqué, Mesdames et Messieurs, que je parle au conditionnel! L’analyse de la situation actuelle est en effet sombre. Elle ressemble à une tragédie grecque dans laquelle le héros évolue inexorablement vers l’apocalypse.

Quelles sont les chances de l’Europe et de la Suisse en particulier?

Les amateurs de musique classique d’entre vous le savent bien: avant de se taire définitivement, l’orchestre entonne un allegro vivace, une grande finale. Chaque instrument donne encore une fois tout ce qu’il a, mobilise le son ultime contre un sort qui semble inévitable. Et soudainement l’ensemble reprend de la force vitale. C’est comme s’il ne voulait jamais s’arrêter de jouer.

Aujourd’hui, les fabriques et la recherche, les opérations et les fonctions sont réparties globalement et s’exécutent là où les coûts, les qualifications et d’autres qualités économiques sont optimales. Il s’agit là, Mesdames et Messieurs, d’une nouvelle forme de l’organisation du travail: l’entreprise globalement intégrée.

Au 19e siècle, les entreprises étaient nationales, l’étranger servant uniquement de marché pour la vente des produits. Les entreprises multinationales sont venues au 20e siècle pour s’engager directement dans les marchés et obtenir ainsi l’accès aux marchés locaux. Et aujourd’hui, nous avons des entreprises globalement intégrées. Dans un monde où tout est en réseau et relié, où les hommes et les capitaux circulent sans frontières, le travail s’installe là où il peut être exécuté de manière optimale. Les distances et barrières culturelles ne jouent plus guère de rôle.

Mais qu’est-ce qui décide où se rend le travail?

La bonne nouvelle est que les coûts ne sont pas l’unique facteur décidant de l’endroit où se déroule le travail dans le futur. Le savoir-faire, la capacité novatrice et la faculté de trouver de meilleures solutions que les concurrents sont au moins aussi importants. Ce sont des vertus européennes depuis que la première machine à textile a été mise en marche en Angleterre.

Voilà le moyen d’empêcher que la musique s’arrête de jouer chez nous. Nous devons nous rappeler ce qui a fait la prospérité des femmes et des hommes de ce continent durant les 150 ans écoulés: la richesse des idées, l’ingénierie, la force novatrice.

Un nouveau type de personnel s’est formé au fil des changements des organisations de travail et des méthodes d’engagement des entreprises. Ces dernières conservent un socle réduit d’employés fixes et engagent pour leurs projets spéciaux des experts externes, souvent des indépendants. Pour les pointes de travail, elles embauchent une main-d’œuvre flexible. Le travail s’individualise, les formes d’engagement s’individualisent.

Voilà où se situent les chances de l’Europe. Depuis le Siècle des lumières, il s’y est formé une société qui repose sur l’individualisme et, conséquence de ce dernier, sur la démocratie.

Que cela signifie-t-il pour l’individu?

L’employé doit apprendre à se mouvoir dans ce contexte et l’employeur doit savoir se positionner dans cet environnement. Les cadres doivent apprendre à maîtriser cette complexité. La compétence sociale, le respect des valeurs, les compétences générales de conduite sont des exigences plus importantes que jamais.

Tous ces changements, Mesdames et Messieurs, modifient aussi les rapports traditionnels entre employeur et employé. Il n’est plus aussi évident qui – de manière peut-être paternaliste – donne du travail et qui – peut-être forcé par les circonstances – prend le travail.

Ces réflexions me ramènent à l’équation mentionnée plus haut: formation = travail = système social financièrement supportable = contrat entre les générations.

Les images que nous montre la télévision de gens désespérés manifestant dans les rues  – que ce soit en Grèce, en Espagne, en Italie ou en France – illustrent de manière impressionnante ce qui arrive quand les jeunes n’ont plus de perspective, les adultes plus de travail et les aînés plus de rente.

Il semble que dans ces pays la confiance de la population dans les élites politiques et économiques soit définitivement rompue. Cela parce que le ciment social s’effrite et que cette simple équation a basculé pour ces hommes et ces femmes.

Nous avons besoin d’un nouveau pacte de solidarité

Non seulement la génération d’âge moyen, mais dans une certaine mesure aussi celles des personnes entrant dans la vie professionnelle ou la quittant doivent assumer la responsabilité du financement des systèmes sociaux: les entrants parce qu’ils doivent se préparer, comme jamais une génération avant eux, au marché du travail globalisé; les sortants parce que le passage à la retraite se flexibilise, s’individualise et intervient toujours plus tard.

Une économie performante est incontestablement la condition de base au succès de ce contrat entre générations sur le plan économique. Nous autres acteurs dans les entreprises, nous portons une importante responsabilité à ce niveau.

Mais il faut rappeler aussi que la formation, les systèmes sociaux et donc le contrat entre générations sont des tâches de l’Etat. Ils ne peuvent être maintenus en équilibre que dans le cadre d’une économie publique. L’Etat et l’économie, la politique et les entreprises doivent être conscients de ce principe dans leurs relations. Ils doivent savoir que la responsabilité des deux parties quant au bon fonctionnement du contrat entre générations est indivisible. Donc également que la cohésion sociale et une économie prospère ne sont pas en opposition, mais qu’à ce niveau aussi la responsabilité est indivisible.

Quelle est ma conclusion pour la Suisse?

Permettez-moi d’esquisser en quelques traits mon opinion sur ce sujet. Les facteurs du succès sont incontestés et vite énumérés: indépendance/autodétermination, démocratie directe, subsidiarité/fédéralisme, sécurité du droit, régime économique libéral, formation et innovation, infrastructures.

Le clivage entre la politique nationale et les entreprises globales s’est approfondi depuis les années nonante. Centre de la politique suisse, la Berne fédérale et le monde en tant que plateforme d’action des entreprises tournent sur des orbites différentes. Cette situation est dangereuse. A mon avis, il faut corriger cette disharmonie et rétablir l’harmonie – tant du côté de l’économie que de celui de la politique.

Nous autres chefs d’entreprise et managers, nous devons savoir que notre rayon d’action est certes mondial, mais que nous assumons également la responsabilité d’un contrat équilibré entre générations en Suisse.

Vous en tant qu’élus politiques, vous devez comprendre que vous avez aussi été élus au Parlement pour défendre des intérêts particuliers. Mais votre responsabilité d’un contrat équilibré entre générations consiste également à ne pas perdre de vue le grand ensemble.

Permettez-moi de résumer cette symbiose des deux responsabilités en cinq points:

  1. veillons ensemble à une libre circulation des personnes / à une immigration équitable, pilotée et contrôlée non seulement avec les pays UE, mais avec le monde entier. Nous pourrons ainsi faire venir la main-d’œuvre spécialisée dont l’économie a besoin aujourd’hui et demain.
  2. concluons des accords de libre-échange avec le monde entier. Nous soutenons ainsi notre industrie d’exportation et nous créons de nouveaux emplois.
  3. veillons au bon fonctionnement de notre système de formation dual. Il permet aux jeunes de trouver du travail.
  4. sauvegardons la souplesse de notre marché du travail et les conditions-cadres avantageuses pour les entreprises. Nous maintenons ainsi le chômage à un bas niveau.
  5. très important: combinons les politiques de la formation, du marché du travail et de la migration. Voilà la meilleure manière de garantir le contrat entre générations et le système social.

Si nous réussissons cela, le drapeau suisse revêtirait une seconde symbolique: il ne s’agirait plus seulement de la croix fédérale sur fond rouge, mais d’un "plus" pour notre pays.

Permettez-moi sur la base de ces cinq points de faire encore quelques remarques concernant la discussion actuelle sur la politique européenne.

Dans cette thématique, l’opposition des différents intérêts politiques – mais apparemment aussi des intérêts économiques et sociaux – est particulièrement virulente. Ou, en d’autres mots, les intérêts politiques ou économiques à court terme s’opposent à l’intérêt national à long terme.

Je me répète:

indépendance/autodétermination, démocratie directe, subsidiarité/fédéralisme, sécurité du droit, régime économique libéral, formation et innovation.

Voilà les facteurs de succès, les forces de la Suisse – aujourd’hui comme dans le futur. Nous tous, nous devrions les répéter comme moulins à prière pour nous en empreindre. Ils doivent être la maxime pour nos décisions et nos actions.

Si nous avons la volonté de nous orienter en fonction de ces principes clés et de les appliquer à la mise en œuvre des cinq points énumérés plus haut, alors

  • une adhésion à l’UE ou un accord-cadre institutionnel avec l’UE sont hors de question;
  • nous devons trouver une solution pour un pilotage de l’immigration conformément aux besoins de notre marché du travail et de nos institutions sociales;
  • nous devons adapter plus rigoureusement notre système de formation dual aux qualifications nécessaires aujourd’hui et demain;
  • nos entreprises doivent exploiter plus efficacement le potentiel de main-d’œuvre disponible en Suisse (qui englobe bien entendu les étrangers qui résident chez nous) et veiller au perfectionnement interne de la main-d’œuvre spécialisée (travailleurs d’un âge avancé, femmes, priorité des travailleurs résidents).

A ce propos, je souhaite ajouter quelques réflexions en vue des discussions d’aujourd’hui et de demain, des raisonnements qu’on oublie trop souvent à mon avis ou que l’on écarte sciemment.

  • la Suisse est toujours un des pays les plus attractifs du monde. Si attractif que nombreux sont ceux qui souhaitent prendre ce train en marche. Preuves en sont la forte immigration et les convoitises de Bruxelles.
  • nous sommes le deuxième partenaire commercial de l’UE et l’UE est importante pour nous. Nous entretenons des relations amicales avec les Etats UE, cependant nous ne sommes pas des mendiants, mais des partenaires contractuels. Pourquoi devrions-nous donc abandonner nos atouts économiques et reprendre tout ce que régule l’UE? Ce serait pour nous un nivellement par le bas.
  • la politique extérieure de la Suisse doit être avant tout une politique de défense des intérêts et non pas une politique de solidarité;
  • nous ne sommes pas membres de l’UE, donc nous sommes plus libres qu’un Etat membre. La Bruxelles des fonctionnaires veut un Etat fédéré à direction centrale et non pas une confédération d’Etats. Avez-vous déjà demandé à un Allemand ou à un Français ce qu’il est, d’où il vient ou quelle est sa patrie? Jamais je n’ai entendu "Européen" ou "Europe"…
  • Les accords bilatéraux, dont celui sur la libre circulation des personnes, ont été conclus en 1999 avec une UE qui comprenait alors 15 Etats d’Europe occidentale. Aujourd’hui, l’UE compte 28 Etats membres et bientôt il y en aura plus.  L’Europe et le monde ont continué de se développer et la pression migratoire a augmenté pour tous. La situation initiale réelle est aujourd’hui très différente pour les deux parties qu’elle ne l’était au moment de la conclusion des accords.
  • et pour conclure: comment l’UE peut-elle prendre au sérieux un partenaire de négociation comme la Suisse qui n’est pas d’accord sur ses propres positions et, pire, qui les change constamment et se dispute ouvertement à ce sujet?

Deux exemples pour illustrer ce propos:

1) Je lis dans le rapport Brunetti sur la stratégie du marché financier que la Suisse cherche le dialogue avec l’UE pour sonder les possibilités d’un accord sectoriel sur les services financiers. Un tel accord, dit-on, ouvrirait aux fournisseurs suisses de services financiers un accès complet à l’espace UE, donc une sécurité de droit durable dans les affaires transfrontalières. En contrepartie, on attend de la Suisse qu’elle reprenne l’acquis UE. Il paraît vraisemblable aujourd’hui que la conclusion d’un tel accord passerait par la signature d’un accord institutionnel et règlerait ainsi également la question de la libre circulation des personnes. Dans le quotidien NZZ qui commente le jour suivant la conférence de presse, je lis que l’accès au marché UE est important et même décisif pour les banques et les assurances, si bien que Madame Widmer-Schlumpf espère pouvoir conclure un accord financier encore durant le premier trimestre de 2015…

J’ai deux remarques à ce propos:
Premièrement sur le fond de l’affaire: les assureurs ont déjà un accès au marché UE et n’ont pas besoin d’un accord sur les services financiers. Notons en passant que ce même constat vaut pour les grandes banques et les banques cantonales…

Deuxièmement, on se sert de toute évidence de l’argument de l’accès au marché pour faire de la politique.

2) Un second exemple:
Déclaration: "La sauvegarde des accords bilatéraux est déterminante pour l’avenir de la Suisse. Elle est plus importante que la décision prise par une majorité de hasard concernant l’immigration."

Il serait plus honnête de constater qu’il est difficile, voire impossible de dire comment se développeront l’économie et l’Europe durant les 15 à 20 années à venir et ce que la sauvegarde ou la suppression des accords bilatéraux coûterait ou rapporterait en prospérité à la Suisse. Ce qui est certain, c’est que la résiliation des accords bilatéraux apporterait des incertitudes et des incertitudes ne sont jamais bonnes pour l’économie. Mais est-il juste pour autant de placer l’intérêt économique des accords bilatéraux – des intérêts non chiffrables, rappelons-le – au-dessus de la décision du 9 février? Non, certainement pas. Il est revanche légitime que certains milieux disent: "Nous considérons les accords bilatéraux comme si importants que nous voulons une votation." Mais il n’est pas légitime d’aller à la table des négociations en disant que ces accords sont donnés et que pour les sauver on est prêt à ignorer le résultat de la votation du 9 février. Ce serait fouler au pied la démocratie directe. Des rapports bilatéraux avec l’UE, oui, mais pas à n’importe quel prix!

Mesdames et Messieurs,

du point de vue de l’économie et aussi de mon point de vue personnel de citoyen, j’espère que des majorités politiques claires se formeront rapidement et s’engageront sur une voie bien définie. Je vous propose l’image suivante pour conclure:

les partis politiques et le Conseil fédéral m’apparaissent aujourd’hui comme si on roulait sur différentes routes nationales – et  parfois des chemins de campagne – qui en cette année électorale 2015 débouchent toutes sur un accès routier qui permet uniquement de bifurquer à gauche ou à droite. Personnellement, je souhaite que nous ayons à la fin de cette année une majorité de voitures sur l’autoroute de droite. Il n’est en revanche pas important de savoir qui roule sur quelle voie et qui dépasse l’autre.

Pour cela, il faudra un rapprochement entre le PLR et l’UDC – également avec des apparentements de listes lors des prochaines élections.

Je vous remercie de votre attention.

 
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