Exposé

Intégration – une question de responsabilité individuelle

Depuis des années, nous discutons au niveau fédéral, mais aussi dans différents cantons, de la nécessité de nouvelles bases légales et constitutionnelles liées à des questions d’intégration. La…

Gregor Rutz
Gregor Rutz
conseiller national Zürich (ZH)

Depuis des années, nous discutons au niveau fédéral, mais aussi dans différents cantons, de la nécessité de nouvelles bases légales et constitutionnelles liées à des questions d’intégration. La problématique n’est toutefois de loin pas aussi compliquée qu’on veut bien nous le faire croire. Il existe des principes constitutionnels et des dispositions légales sans ambigüité concernant l’intégration, qui fixent les règles nécessaires.

1. Principe constitutionnel de la responsabilité individuelle
L’article 6 de la Constitution fédérale consacre le principe de la responsabilité individuelle, qui caractérise l’ensemble du fonctionnement étatique et l’ordre juridique de la Confédération. Ce principe s’applique également aux questions d’intégration.

Art. 6 Responsabilité individuelle et sociale
Toute personne est responsable d’elle-même et contribue selon ses forces à l’accom-plissement des tâches de l’Etat et de la société.

Les principes énoncés à l’art. 6 Cst. sont repris dans la loi sur les étrangers (LEtr) à l’art. 4 al. 3, où la « disposition des étrangers à s’intégrer » est une condition sine qua non au lancement de tout processus d’intégration. L’art. 4 al. 4 LEtr prescrit ensuite sans équivoque : « Il est indispensable que les étrangers se familiarisent avec la société et le mode de vie en Suisse et, en particulier, qu’ils apprennent une langue nationale. »

Ainsi, l’intégration présuppose que les immigrants, conscients des différences entre leur propre culture et l’usage local, reconnaissant l’ordre juridique du pays hôte, respectent ses traditions ainsi que ses lois non écrites et s’insèrent de leur mieux dans la société. En contrepartie, la population locale doit accueillir ses hôtes sans préjugés. Ce devoir, lui aussi inscrit à l’art. 4 al. 3 LEtr, est une autre condition indispensable à la réussite de l’intégration.

L’ajout de nouvelles dispositions constitutionnelles est non seulement inutile mais aussi exclu pour le moment pour des raisons politiques, sachant que le peuple et les cantons ont nettement écarté un article sur l’intégration le 28 novembre 2010 :

 

Proposition d’art. 121a « Intégration » rejetée par le peuple et les cantons

  1. L’intégration a pour but la cohésion entre la population suisse et la population étrangère.
  2. L’intégration exige de chacun qu’il respecte les valeurs fondamentales inscrites dans la Constitution ainsi que la sécurité et l’ordre publics, qu’il s’efforce de mener une existence responsable et qu’il vive en accord avec la société.
  3. La promotion de l’intégration vise à créer des conditions favorables permettant à la population étrangère de disposer des mêmes chances que la population suisse pour ce qui est de la participation à la vie économique, sociale et culturelle.
  4. Dans l’accomplissement de leurs tâches, la Confédération, les cantons et les com-munes tiennent compte des objectifs d’intégration des étrangers.
  5. La Confédération fixe les principes applicables en matière d’intégration et elle sou-tient les mesures prises par les cantons, les communes et les tiers dans ce domaine.
  6. En collaboration avec les cantons et les communes, la Confédération examine pé-riodiquement la mise en œuvre des mesures d’intégration. Au cas où les obligations en matière de promotion de l’intégration ne sont pas remplies, la Confédération peut édicter les dispositions nécessaires après avoir consulté les cantons.

En rejetant les dispositions ci-dessus , peuple et cantons ont clairement exprimé qu’ils refusaient l’élargissement du cadre juridique actuel et qu’ils le considéraient suffisant pour régler les questions d’intégration. Le principe de la responsabilité doit rester la base et la ligne directrice du processus d’intégration. Il est choquant de vouloir aujourd’hui contourner cette volonté populaire en rebaptisant la loi sur les étrangers « loi sur les étrangers et l’intégration » et en adoptant des dispositions similaires au niveau de la loi.

2. Structure étatique fédéraliste
On entend généralement par fédéralisme le principe étatique fondamental visant à renforcer les membres de la collectivité étatique et à leur laisser des compétences et droits de participation aussi étendus que possible. Le principe fédéraliste cherche à assurer l’équilibre entre autonomie et participation. C’est pourquoi il est étroitement lié au concept de subsidiarité, que la doctrine sociale catholique a elle-même adopté.

« De même que ce que l’individu peut réaliser de sa propre initiative et de ses propres forces ne saurait lui être ôté pour l’attribuer à la communauté, ce serait commettre une injustice et troubler d’une manière très dommageable l’ordre social que de retirer aux groupements d’ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d’un rang plus élevé, les fonctions qu’ils sont en mesure de remplir eux-mêmes. Toute activité sociale est, par essence, subsidiaire ; elle doit soutenir les membres du corps social, mais en aucun cas les briser ni les absorber. »

Pape Pie XI., Encyclique « Quadragesimo anno » (15 mai 1931)

Reposant sur les principes ci-dessus, l’ordre constitutionnel suisse parvient à unir harmonieusement les minorités linguistiques et culturelles, en préservant ce savant équilibre entre autonomie et participation. Parallèlement, il en découle de manière quasi-axiomatique que le principe de subsidiarité doit prévaloir, non seulement pour les collectivités évoquées, mais aussi pour les nouveaux arrivants.

Les dispositions réglant l’attribution du droit de cité se fondent sur ces principes. L’art. 38 al. 2 Cst. dispose ainsi que la Confédération n’édicte que des dispositions minimales sur la naturalisation des étrangers. Cette règle est concrétisée à l’art. 14 de la loi sur la nationalité (LN) . Le législateur reconnaît ainsi que la décision de savoir si une intégration est réussie doit être prise là où la personne s’est intégrée. Dans les dispositions citées, le législateur montre par ailleurs que la notion d’intégration et les exigences y relatives peuvent présenter des nuances différentes, selon que l’on se trouve dans une grande collectivité ou dans un canton ou une commune de petite taille – tout comme la notion de bonne mœurs est comprise et interprétée différemment par les juristes d’un lieu à l’autre.

3. Activisme étatique délicat
Nous sommes en droit d’attendre des personnes vivant en Suisse qu’elles s’intègrent et respectent nos règles. Jusqu’à récemment, cela a plutôt bien fonctionné : la Suisse présente une proportion d’étrangers nettement supérieure à celle de presque tous les autres pays européens et les tensions y sont rares.

Cependant, depuis que l’immigration échappe petit à petit à tout contrôle, à la suite d’une politique d’asile et des étrangers inadéquate, les problèmes d’intégration se multiplient. Au lieu de prendre le mal à la racine et d’effectuer les changements de cap nécessaires depuis longtemps dans la politique migra-toire, on voudrait maintenant lancer de nouvelles activités étatiques dans le domaine de l’immigration. Ces interventions étatiques sont non seulement erronées, mais aussi contreproductives, car elles remettent en question le principe de la responsabilité individuelle. Par cet activisme fédéral, elles minent aussi le principe de subsidiarité, ce qui n’est ni judicieux ni adéquat.

Pour cette raison, l’UDC a aussi combattu dans le canton de Zurich l’adoption d’une loi cantonale sur l’intégration. Dans le cadre de cette proposition de loi, on a examiné différents postulats qui allaient dans la mauvaise direction. Il était notamment question d’obliger le canton et les communes à faciliter l’apprentissage de la langue, sans égard au fait que l’apprentissage d’une langue nationale requiert non pas un appui étatique mais bien la volonté de l’immigrant. Le principe de la responsabilité individuelle doit ici aussi s’appliquer systématiquement : toute personne qui en a les moyens doit payer son cours de langue elle-même. Telle doit être la règle. Les instituts de formation privés doivent pour leur part offrir des capacités suffisantes en cours de langue, afin que l’activité étatique reste, ici aussi, subsidiaire.

S’agissant de la possibilité de conventions d’intégration, prévues à l’art. 5 s. de l’ordonnance sur l’intégration des étrangers (OIE) , l’UDC du canton de Zurich a également fait part de ses critiques. Quiconque ne veut pas s’intégrer doit quitter la Suisse. Une convention d’intégration n’apporte aucune « sécurité juridique », contrairement à ce que le Conseil d’État zurichois voulait faire croire : la sécurité du droit existe déjà en application du principe « Nos règles valent pour tout le monde » – même pour les migrants. Évoquer un « bonus » pour les personnes respectant la convention d’intégration est inacceptable. L’intégration doit aller de soi. Il n’est pas correct de fournir des « incitations ». C’est pourquoi l’UDC a clairement marqué sa distance face à l’idée de remettre un « prix d’intégration ».

L’UDC du canton de Zurich a ensuite protesté contre les conséquences prévisibles de cette nouvelle loi, notamment la charge bureaucratique supplémentaire et les coûts élevés pour l’industrie, l’économie, mais aussi les communes. Même les employeurs devaient être mis à contribution, à travers une information obligatoire de leurs employés « sur les offres de promotion de l’intégration ». Les communes auraient dû créer leurs propres services spécialisés en matière d’intégration, en plus des services cantonaux : des mesures coûteuses et bureaucratiques.

Que les innombrables activités d’intégration déployées dans le canton de Zurich aient été justifiées par l’argument que de l’argent fédéral était versé et qu’il existait des attentes correspondantes révèlent clairement la nature du problème.

4. Les limites de l’intégration
L’intégration a aussi ses limites. Quiconque souhaite un état libéral se doit de le souligner. Tout comme le respect de notre ordre juridique doit être encouragé par les autorités, les sphères de protection garanties par les droits de l’homme à chaque individu doivent être respectées. La liberté de conscience et de croyance, la liberté personnelle, mais aussi la liberté d’opinion et d’information interdisent l’uniformisation culturelle. Elles n’interdisent cependant pas d’imposer aux individus des exigences élevées s’agissant de leur volonté d’intégration.

D’autre part, il est incorrect d’abuser des droits fondamentaux pour se soustraire à l’intégration ou diluer les exigences à ce sujet. Ainsi, la liberté de langue permet certes à tout un chacun de communiquer avec ses amis et sa famille dans la langue de son choix. Elle ne signifie cependant pas que les étrangers vivant chez nous soient dispensés d’apprendre la langue parlée dans leur commune de domicile et de s’adresser aux autorités dans cette langue.

La responsabilité individuelle est un principe clé de notre ordre juridique, ce que la Berne fédérale semble oublier.

Gregor Rutz
Gregor Rutz
conseiller national Zürich (ZH)
 
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