La fin de la tradition suisse des armes

Fritz Abraham Oehrli, conseiller national, Teuffenthal (BE)

Seul un peuple vraiment libre peut conserver l’arme militaire à domicile et l’utiliser pour des exercices et concours de tir hors service. Cette tradition n’existe nulle part ailleurs dans le monde. Seule la Suisse autorise un soldat qui a terminé son service à garder son arme personnelle s’il le souhaite. Dans aucun autre pays au monde, on ne confie à des jeunes gens et jeunes filles des armes militaires pour participer à des cours de jeunes tireurs. Voilà la tradition suisse des armes et du tir, voilà un principe qui témoigne d’une profonde confiance dans la population.

Combien de temps encore?

Quels sont les effets de l’accord de Schengen sur la loi suisse sur les armes?

Lors du tour de négociations de mars 2003 avec l’UE concernant la déclaration commune sur le contrôle, l’acquisition et la détention d’armes, les deux délégations ont dû constater que lesdites directives ne s’appliquent pas à l’acquisition et à la détention d’armes et de munition par les forces armées. On pourrait en déduire que la réglementation suisse concernant les armes de la police et de l’armée ne serait pas touchée par l’accord de Schengen. Par extension, le prêt d’armes militaires dans le cadre des cours de tirs pour jeunes, le prêt d’armes militaires pendant le service obligatoire ainsi que la remise de l’arme personnelle au moment où le soldat quitte définitivement l’armée continueraient d’être réglés par le droit suisse.

Une lecture superficielle de ces conclusions tendrait à faire croire qu’il n’y aurait pas de changement avec l’accord de Schengen. Mais la question de fond est la suivante: comment l’accord de Schengen sera-t-il appliqué au droit suisse des armes? Compétent en la matière, le Département fédéral de justice et police a clairement relevé que l’application de l’accord de Schengen en cette matière était du ressort de notre pays. Et il a rappelé que l’utilisation des armes militaires pendant et après le service militaire était totalement exclue des directives de Schengen.

Un changement tout de même

Les choses risquent tout de même de changer. L’accord de Schengen touche aux activités de tir hors service militaire. Dans ce domaine, la directive UE que la Suisse doit reprendre a des effets réels sur la loi suisse sur les armes. Les révisions qui en découlent et qui sont annoncées dans le rapport explicatif accompagnant la procédure de consultation dépassent largement la réforme de la loi sur les armes récemment débattue en Suisse. Selon ce dossier, il faudrait à l’avenir faire la preuve du besoin pour justifier l’achat d’une arme et la détention d’arme serait enregistrée dans les moindres détails. De plus, les armes ne pourraient plus être transmises par héri-tage.

Mais ce n’est pas tout: il est prévu d’interdire l’acquisition, l’importation et la détention d’armes à feu militaires. Cela signifie, en d’autres termes, que la détention d’anciennes armes automatiques transformées en armes semi-automatiques sera à l’avenir interdite. Il existe des milliers d’armes de ce type en Suisse qui devraient toutes être séquestrées en cas d’entrée en vigueur de cet accord. Le droit libéral de la Suisse en matière d’armes ne connaît pas toutes ces restrictions.

Non à Schengen

Il est bien entendu permis aux pays signataires de l’accord de Schengen de durcir leur législation sur les armes au-delà du minimum imposé par cet accord. Et c’est exactement ce que veulent les milieux suisses hostiles à l’armée et aux activités de tir. La gauche et les Verts poursuivent le même objectif. Et, une fois de plus, le camp bourgeois, par paresse ou par lâcheté, risque de se laisser faire.

L’ancienne ministre de la justice avait précisément tenté de durcir la loi suisse. Elle a notamment mis en consultation l’idée d’un registre national des armes. Heureusement, le nouveau chef du DFJP a suspendu ce projet.

Le DFJP relève aujourd’hui que l’application de l’accord de Schengen est de la com-pétence des Etats membres. L’attitude de l’ancienne ministre de la justice montre ce-pendant que l’application des dispositions de Schengen en matière d’armes devra être surveillée étroitement. Si le Conseil fédéral rappelle, pour calmer le jeu, la marge de manœuvre de la Suisse face à cette directive UE, il faut se montrer méfiant.

L’accord de Schengen nous fait craindre des mesures qui dépassent largement le cadre de la loi actuelle sur les armes et aussi que la Suisse se dote d’une législation plus restrictive que ne l’exige cet accord. Avec l’accord de Schengen, nous abandonnons notre régime libéral en matière d’armes. Nous ne pouvons pas admettre cela. Nous devons veiller à sauvegarder un droit des armes authentiquement suisse, libéral et tenant compte de la tradition de milice et de tir dans notre pays. Pour cela, nous devons commencer par dire non à Schengen.

 
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