La radicalisation islamiste, un défi lancé aux cantons

Je ne vous présenterai pas un exposé de spécialiste de l’islam et de l’islamisme. Mon but n’est pas non plus d’évaluer l’islam comme religion (mondiale), de le remettre en question ou de le dénigrer. Il s’agit bien plus d’identifier clairement les conséquences de la radicalisation islamiste pour nos villages, nos cantons et tout notre pays et d’en déduire les mesures à prendre pour nous protéger.

André Rüegsegger
André Rüegsegger
Conseiller d’État Brunnen (SZ)

Je parle ici comme conseiller d’Etat du canton de Schwyz qui, comme chacun le sait est relativement petit et de caractère principalement rural. Les manifestations et les effets de l’islam ne sont évidemment pas les mêmes chez nous que dans les grandes villes et agglomérations.

Ma position personnelle par rapport à l’islam est différenciée. Je viens de faire un voyage en Oman, un pays profondément religieux, islamique et marquée par les valeurs de cette religion. Il ne m’appartient pas de qualifier ce régime juridique et ces valeurs qui se distinguent bien sûr fortement des nôtres. Comme hôte de ce pays, je devais m’adapter aux us et coutumes locaux, ce qui devrait en fait aller de soi. L’islam est présent en Oman dans ses différentes expressions depuis plus de 1000 ans. Il marque la culture et il y est profondément enraciné. On peut dire qu’il appartient depuis toujours au pays et à ses habitants et qu’il forme une unité avec eux.

Chez nous en Europe et notamment en Suisse, la situation est très différente. Nous avons une autre histoire, une autre culture et de ce fait aussi une autre religion. Il est néanmoins incontesté qu’il y a de la place en Suisse pour plusieurs religions et que ce seul fait ne devrait pas poser de problème. L’engagement pour une certaine foi est une affaire purement personnelle et individuelle. Cela dit, chez nous l’Etat et la religion sont bien entendu beaucoup plus séparés que, par exemple, dans les pays musulmans.

Ce que je viens de dire ne vaut cependant que pour les formes pacifiques de l’engagement religieux personnel qui se manifeste dans le respect du régime légal et des règles de la société du pays concerné. Des problèmes et des dangers surgissent en revanche en présence de comportements absolutistes qui sortent du cadre des opinions personnelles et qui visent à répandre celles-ci, voire à les imposer à des tiers. La situation devient carrément dangereuse quand, sous le prétexte d’objectifs religieux supérieurs, on n’hésite plus à considérer la violence comme un moyen légitime d’atteindre ses objectifs. Nous sommes alors en présence du fanatisme, du militantisme, de l’extrémisme et, en fin de compte, aussi du terrorisme.

Nous avons tous été informés sur les événements et attentats terroristes qui ont été commis ces derniers mois et années. Ils ne se produisent plus dans des pays islamiques lointains, mais tout près de nous – à Paris, à Londres, à Berlin, à Barcelone, à Bruxelles, à Nice. Notre bon sens humain nous empêche de comprendre ces actes et les motivations des terroristes qui se qualifient volontiers de soldats de dieu. Nous ne pouvons que les considérer comme totalement odieux et méprisables. Nous ne sommes pas habitués à de pareils comportements dans notre cercle culturel. C’est dire aussi que notre traditionnel système étatique et notre dispositif de sécurité, de police et de sanction ne sont pas adaptés à ces manifestations de violence.

Et c’est précisément là que se situe notre problème, que nous avons un défi à relever. C’est d’autant plus important que les attentats d’islamistes fanatisés ne consistent plus seulement à faire sauter quelque chose à grand renfort d’explosifs à la suite d’une longue et minutieuse planification, mais aussi de frapper moyennant des outils qui font souvent partie de la vie quotidienne, des couteaux, des véhicules, des armes à feu.

Les questions que nous devons nous poser face à cette situation sont les suivantes: sommes-nous préparés? Que devons-nous faire? J’en arrive donc dans mon exposé aux tâches et aux missions de la politique.

Un constat d’emblée: la garantie de la sécurité (générale) est une des tâches essentielles et prioritaires de l’Etat.

La première chose à faire en partant de la situation initiale que je viens de décrire paraît banale, mais elle est nécessaire: il faut commencer par réellement prendre en compte les (nouveaux) dangers et les analyser, donc cesser de les exclure à la légère. Il en résulte immédiatement le rôle important que doit jouer le service de renseignement. Nous n’avons plus seulement affaire, comme je viens de le mentionner, à des expressions classiques d’attaques terroristes sous la forme d’attentats, mais aussi à d’autres formes qui touchent à la cybernétique et à l’infrastructure.

L’information du public occupe une place importante dans ce domaine. Elle doit être aussi objective et calme que possible, mais elle ne doit en tout cas pas viser à enjoliver la situation. La population est aujourd’hui parfaitement sensibilisée et elle sait comment traiter ce genre d’informations et de réflexions.

Ensuite, il faut assurer une prévention et une préparation adaptées à la situation. Nous devons bon gré, mal gré adapter notre dispositif policier et l’équipement des agents. Même dans notre petit canton de Schwyz, nous remplaçons les pistolets-mitrailleurs des gendarmes par des fusils d’assaut. Il faut relever d’une manière générale que toutes les organisations de sécurité constituent une « assurance » efficace en vue d’un cas réel. Nous devons donc leur allouer les crédits nécessaires pour leur permettre de se former et de s’équiper.

Il est important également de ce point de vue que nos organisations de sécurité bénéficient d’un soutien idéologique et qu’elles soient bien accueillies par la population. Cela exige que ces organisations soient ancrées dans la population. De ce point de vue, nous avons un avantage grâce au système de milice que nous connaissons dans différents domaines.

Ce qui compte aussi, c’est une coopération étroite et efficace entre autorités et organisations, par exemple entre la police et l’armée face à un événement important et de longue durée. Faute de nécessité, nous n’avons pas encore beaucoup d’expérience avec des interventions de ce type, si bien que nous devons y réfléchir et nous y préparer. Il faut absolument éviter que face à un événement grave chaque organisation ne songe qu’à son « petit jardin ».

Prendre en compte, analyser et se préparer signifie aussi exercer la gestion des événements. Citons à titre d’exemple la SVU 19 où il s’agira, dans le cadre d’un exercice d’état-major, de se préparer à une menace terroriste englobant tout le pays et visant la destruction d’infrastructures critiques.

L’état-major de direction commun de la police est un autre projet important et porteur d’avenir. Cet organe composé de cadres de différents corps de police est chargé de planifier la coopération policière au niveau national face à des événements et d’assurer, en cas d’événement grave comme un attentat terroriste, la coordination des mesures policières au niveau suisse.

Il est par ailleurs essentiel de sauvegarder des structures étatiques claires qui permettent d’identifier et de combler rapidement les lacunes du dispositif de sécurité. Cet objectif est difficile à atteindre dans une Europe sans frontière.

Il est enfin plus important que jamais de formuler clairement et d’imposer sans ambages ce que l’on attend des immigrants conformément à notre régime légal et nos valeurs. Dans ce contexte, je me permets de rappeler quelques exemples que vous connaissez bien et dont certains ont une valeur symbolique:

  • refus de participer aux cours de natation
  • refus de serrer la main des enseignantes
  • étrangers vivant des années durant de l’aide sociale au lieu de travailler
  • asile et permis d’établissement accordés à des prêcheurs de haine
  • naturalisation de personnes qui ne sont intégrées ni culturellement, ni économiquement
  • criminels étrangers dangereux et récidivistes qui ne sont pas expulsés

Ce sont là des cas et des comportements qui nous préoccupent dans les cantons et les communes et que nous devons absolument stopper pour éviter qu’ils n’entrent dans les mœurs.

J’ai jusqu’ici évoqué principalement des actions contre les symptômes du mal. Il serait évidemment beaucoup plus utile et plus efficace d’en extraire les racines.

L’autorisation de flux migratoires incontrôlés accroît inévitablement l’importation de dangers et de conflit culturels qu’il est ensuite très difficile de contrôler. En fait, nous avons aujourd’hui en Europe une libre circulation des personnes avec quasiment le monde entier. Dans la pratique, il suffit à un migrant de prononcer les deux ou trois « mots magiques » pour qu’il puisse rester pour toujours ou du moins pour très longtemps dans notre pays. N’importe qui peut en profiter. Se nourrissant des chimères de sa politique d’asile, la conseillère fédérale Sommaruga ne cesse de répéter combien il est important d’enregistrer tous les migrants arrivant à la frontière suisse. Or, cet enregistrement permet tout au plus de retrouver et d’identifier une personne après son entrée en Suisse, mais il ne dit malheureusement rien dans la plupart des cas sur le passé de la personne. Interrogée par la conseillère nationale UDC Steinemann, la ministre a dû avouer récemment que l’identité de 10% seulement des requérants d’asile peut être constatée sans aucun doute. C’est dire que les éventuels terroristes passent facilement entre les mailles du filet.

Pour conclure et en résumé, je tiens à relever les trois points suivants:

  1. Il est absolument indispensable que nous observions attentivement la situation, que nous identifiions les développements nuisibles et que nous les qualifiions clairement au lieu de les enjoliver, voire de les ignorer au détriment de notre sécurité. Il est en outre plus nécessaire que jamais d’imposer rigoureusement notre régime légal et de punir sévèrement les contrevenants. Cela implique aussi que les personnes suspectées de terrorisme soient empêchées d’entrer en Suisse ou immédiatement expulsées.
  2. Face au risque de radicalisation islamiste, nous ne pouvons en aucun cas admettre l’émergence chez nous de sociétés parallèles obéissant à leur propre ordre juridique et à leur propre système de valeurs.
  3. Ces objectifs ne peuvent être atteints que moyennant une politique raisonnable en matière d’asile et à l’égard des étrangers. Une intégration par un mélange équilibré de la société pour empêcher que des quartiers entiers ne soient habités exclusivement par certains groupes d’étrangers exige forcément une limitation de l’afflux d’étrangers. Les expériences faites dans les pays qui nous entourent indiquent clairement que de tels quartiers favorisent l’émergence de tendances radicales et d’extrémistes individuels qui constituent un danger réel pour la société.
André Rüegsegger
André Rüegsegger
Conseiller d’État Brunnen (SZ)
 
Nous utilisons des cookies pour personnaliser le contenu et les publicités, proposer des fonctionnalités pour les médias sociaux et pour analyser l'accès à notre site. Nous fournissons également des informations sur l'utilisation de notre site Web à nos partenaires des médias sociaux, de la publicité et de l’analyse.Voir les détails Voir les détails
Je suis d'accord