Exposé

L’armée doit retourner à sa mission de base

L’armée suisse est-elle à même d’accomplir sa mission ? Comment le savoir aujourd’hui, alors qu’on lui confie tout et n’importe quoi ? Répondre à cette question nécessite de savoir quelle est la réell

Yvan Perrin
Yvan Perrin
conseiller national La Côte-aux-Fées (NE)

L’armée suisse est-elle à même d’accomplir sa mission? Comment le savoir aujourd’hui, alors qu’on lui confie tout et n’importe quoi ? Répondre à cette question nécessite de savoir quelle est la réelle mission que notre pays confie à l’institution. Pour ce faire, une relecture de l’article 58 de la Constitution est toujours utile. Que dit-il?

Art. 58 Armée
1 La Suisse a une armée. Celle-ci est organisée essentiellement selon le principe de l’armée de milice.

2 L’armée contribue à prévenir la guerre et à maintenir la paix; elle assure la défense du pays et de sa population. Elle apporte son soutien aux autorités civiles lorsqu’elles doivent faire face à une grave menace pesant sur la sécurité intérieure ou à d’autres situations d’exception. La loi peut prévoir d’autres tâches.

3 La mise sur pied de l’armée relève de la compétence de la Confédération.

Ce retour à la source est bien nécessaire à une heure où nos soldats font le pied de grue devant les ambassades, raccompagnent les fêtards lors d’événements sportifs d’envergure, s’inventent des défis parfois meurtrier pour tromper l’ennui.

Mesurée à l’aune de sa mission fondamentale, l’armée n’est pas en mesure d’accomplir sa tâche. Ce fait doit enfin être tenu pour réalité même s’il est difficile à accepter. On pourrait nous reprocher une critique acerbe et infondée compte tenu de notre scepticisme par rapport à l’évolution de ces dernières années mais le constat n’est pas de nous, il est de l’ancien Chef de l’armée Christophe Keckeis. Peu avant de remettre les clés de la Maison, ce haut gradé posait un diagnostic sans appel : Sans coopération internationale, notre armée n’est pas à même de mener à bien sa mission. Peut-être M. Keckeis forçait-il un peu le trait, ceci d’autant plus que la coopération internationale constitue la nouvelle planche de salut pour beaucoup de politiciens et quelques militaires mais il faut bien l’admettre, à l’heure actuelle, notre armée n’est pas prête. L’exercice Stabilo a clairement mis en évidence de nombreuses lacunes fort inquiétantes mais un élément positif doit être principalement retenu. L’armée reste en mesure d’évaluer ses capacités et est à même de jeter un œil lucide sur les problèmes qui l’affectent. Nous voyons là un élément qui doit nous pousser à rester optimistes. Constater et admettre les problèmes constitue le préalable obligé avant de trouver des solutions.

Ces solutions, quelles sont-elles ?
En tout premier lieu, la formation de nos militaires doit être impérativement réorientée vers la mission première de notre armée, à savoir comme nous l’avons vu, prévenir la guerre et maintenir la paix puis si nécessaire, assurer la défense du pays et de sa population. Cette formation doit permettre à nos unités, quelle que soit leur taille, d’être prêtes à faire face aux scénarios les plus défavorables et non uniquement les plus vraisemblables. Se préparer au pire même s’il n’est jamais sûr demeure le seul moyen d’être prêts à faire face en toutes situations. J’entends déjà nos adversaires brocarder ce retour au Réduit national, à la bonne vieille armée de grand-papa, arme au pied à côté de la borne. On peut en effet imaginer qu’une attaque conventionnelle n’est pas pour demain mais s’il y a quelque chose qu’on peut retenir du monde dans lequel nous vivons, c’est la rapidité avec laquelle les choses changent. Bien malin celui qui avait vu venir la guerre dans les Balkans.

Les cadres doivent retrouver leurs responsabilités pleines et entières dans la conduite de leur personnel. Cette responsabilité lie la formation et l’engagement de la troupe. Séparer les deux notions, c’est introduire deux responsabilités – formation et conduite – donc supprimer toute responsabilité. En cas de problème, celui qui conduit avancera qu’on lui a remis des militaires mal formés, celui qui forme dira qu’on ne saurait lui reprocher une conduite défaillante. Notre système de milice est basé sur la responsabilité individuelle, de la recrue au Chef de l’armée. Cette responsabilité ne peut être assumée que si elle est clairement définie. Le soldat est responsable de son comportement, le cadre des instructions qu’il donne.

Le concept de montée en puissance doit être abandonné. Au vu des expériences récentes en matière de conflits, Géorgie notamment, il est illusoire de penser qu’un adversaire décidé nous laissera le temps de prendre tranquillement position. Notre relief rend les déplacements fortement tributaires de certains points stratégiques. Un coup décisif à un pont, à un col désorganiserait dangereusement une armée qui serait encore en train de gagner ses positions. La montée en puissance exerce au surplus une influence désastreuse sur la troupe puisqu’elle postule qu’en cas de problème, on aura le temps. On aura donc aussi le temps de se préparer. Dans ces conditions, à quoi bon s’entrainer souvent durement ? Mieux vaut attendre de voir si quelque chose se produit, on réagira ensuite en conséquence. Le problème, c’est que suivant les circonstances, le temps fera défaut. Monter en puissance demain, c’est surtout être impuissant aujourd’hui et cela, nous ne le voulons pas.

Se tenir prêts demande beaucoup. Chacun, quel que soit son poste, doit savoir ce qu’il a à faire et comment il doit le faire. Le maintien de la troupe à un haut niveau de performances nécessite le retour aux cours de répétition annuels. Seul un entraînement sérieux et régulier peut nous permettre de conserver le niveau nécessaire à l’accomplissement de la mission dictée encore une fois par l’article 58 de notre Constitution. Espacer les cours de répétition alors que techniques et armements sont de plus en plus complexes relève du non-sens absolu. La diminution des effectifs était, nous dit-on, compensée par du matériel plus performant. Fort bien, encore faut-il savoir s’en servir ceci d’autant plus que complexité ne rime pas avec efficacité. L’Irak, l’Afghanistan en sont de brillants exemples. Face à des troupes souvent professionnelles, bénéficiant du meilleur matériel, les talibans portant lance-roquettes vieillissants et Kalashnikov rustiques font plus que bonne figure, ils repoussent leurs adversaires. Engagement et connaissance du terrain ont toujours fait la différence. L’histoire est riche en leçons, il est maintenant temps d’en tirer les enseignements nécessaires. C’est à cela que l’UDC entend s’attacher.

Après avoir brossé un état des lieux peu réjouissant, nous passons maintenant aux exigences que nous formulons afin de remettre notre armée en état de faire son travail si d’aventure la situation l’exigeait. Ces exigences sont au nombre de dix.

  • Toute l’instruction militaire doit viser à rendre l’armée capable de soutenir une guerre.
  • L’instruction militaire doit rendre chaque unité capable de résister à la situation la plus difficile imaginable (une attaque surprise) et non pas seulement à la situation la plus probable. Une unité, qui maîtrise les situations les plus difficiles, s’acquitte aussi de tâches plus simples.
  • La séparation entre la responsabilité de l’engagement et la responsabilité de l’instruction doit être levée. Dans une armée de milice, le commandant qui conduit l’intervention de son unité doit aussi avoir la pleine responsabilité de l’instruction de son unité.
  • L’idée de la montée en puissance doit être définitivement abandonnée dans la planification et l’instruction militaires. La capacité d’intervenir de l’armée dépend uniquement de ce que l’armée a appris, de son équipement et de son armement. Une armée qui fait confiance à des délais d’alerte ne résistera jamais à une attaque surprise conformément à la guerre moderne.
  • Le rythme annuel des cours de répétition doit être strictement imposé dans l’armée suisse.
  • Le paiement des galons doit être réintroduit, car il sert la formation au commandement des sous-officiers et officiers. .
  • Le « modèle à trois départs » qui régit les écoles de recrues doit être remplace par un « système à deux départs ».
  • Les promotions militaires se font exclusivement sur proposition du supérieur qui assume personnellement la responsabilité de sa proposition. Toute promotion doit être basée sur des bonnes performances dans le commandement d’une unité.
  • Les compétences indispensables à la capacité de l’armée de soutenir une guerre ne peuvent pas être transférées à des tiers. L’armée doit garantir sa capacité d’intervention dans toutes les conditions.
  • Seuls des spécialistes formées sont admis dans les services de renseignement.

Par la mise en œuvre de ces mesures, nous pourrons enfin de tourner le dos aux expériences hasardeuses conduites depuis trop longtemps par le DDPS. L’armée ne saurait être utilisée comme laboratoire géant pour tester toutes sortes de théories chères à celles et ceux qui veulent absolument jouer dans la cour des grands. Nous avons commis suffisamment d’erreurs pour savoir maintenant comment faire juste.

Yvan Perrin
Yvan Perrin
conseiller national La Côte-aux-Fées (NE)
 
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