par Sandra Sollberger, Conseillère nationale et membre de la Commission des finances du Conseil national (CdF-N), Liestal (BL)
L’armée suisse se trouve dans un état désolant. Après des décennies de sous-financement et de négligence politique, nous sommes aujourd’hui confrontés à une amère réalité : En cas de conflit, notre pays ne peut plus se défendre que pendant quelques jours, voire quelques semaines tout au plus. C’est inacceptable pour une nation souveraine qui prend au sérieux son indépendance et sa neutralité.
Permettez-moi de commencer par des faits concrets. Depuis la fin de la guerre froide, nous avons empoché ce que l’on appelle les « dividendes de la paix ». Il est difficile d’en chiffrer le montant. Certains parlent de 40 milliards de francs, d’autres de 144 milliards. Mais que signifie « dividendes de la paix » ? Le terme est trompeur. Car il s’agit des moyens financiers qui auraient dû être investis dans la défense et l’armée et qui ne l’ont tout simplement pas été. Les « dividendes de la paix » sont donc un euphémisme pour désigner des investissements manqués et une politique naïve.
Quel est le résultat de ce sous-investissement ? La défense et l’armée n’ont pas assez d’argent et il y a un énorme écart qu’il faut maintenant combler. Nous parlons donc de rééquipement et en aucun cas de mise à niveau. Il s’agit actuellement de rattraper les manquements des dernières décennies, et non d’une véritable mise en place. Tout le reste n’est que propagande de gauche.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les dépenses de l’armée sont passées de 17.7% du budget fédéral en 1990 à un maigre 6.8% en 2019. Aujourd’hui, nous ne dépensons plus que 0.7% du produit intérieur brut pour notre défense, soit une fraction de ce qui serait nécessaire pour une dissuasion crédible.
Le résultat de cette politique est désastreux. Seul un tiers de nos corps de troupe peut encore être entièrement équipé pour la défense. La logistique de guerre a été abandonnée et remplacée par l’efficacité économique. Notre stock de munitions est axé sur l’instruction et non sur les situations d’urgence. Le chef de l’armée Thomas Süssli l’a déjà confirmé à plusieurs reprises en public : Selon l’adversaire et le scénario, la Suisse ne pourrait se défendre que pendant quelques semaines tout au plus.
L’UDC exige un changement de cap immédiat. Nous ne pouvons plus nous contenter de voir notre pays sans défense. Nos principales revendications sont claires et sans équivoque. Premièrement, le budget de l’armée doit être porté à au moins 1% du produit intérieur brut (PIB) d’ici 2030. Pour un PIB de 825 milliards de francs, cela signifie 2.5 milliards de francs supplémentaires par an. C’est le minimum absolu pour une défense crédible.
Deuxièmement, nous avons besoin d’une augmentation des effectifs. A court terme, nous devons passer à 120’000 militaires, et à moyen terme à 200 000 ; dans le jargon, cela s’appelle l’effectif théorique, ce qui signifierait à son tour un effectif réel de 280’000 militaires. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons développer les capacités nécessaires et garantir une dissuasion crédible. Car les armements commandés doivent aussi être utilisés par quelqu’un. Il faut donc les deux : de l’argent et des personnes !
Troisièmement, les étrangers titulaires d’un permis C doivent s’acquitter d’une taxe d’exemption de l’obligation de servir. Ceux qui vivent en Suisse et qui profitent de notre sécurité doivent également contribuer au financement. C’est une question de justice et cela peut générer des millions supplémentaires pour la modernisation de l’armée.
Quatrièmement, nous devons renforcer la volonté de servir au sein de la population. Une armée crédible ne vit pas seulement d’un équipement moderne, mais de la volonté des soldats de se battre pour leur patrie. Cela implique un engagement sans réserve en faveur de la neutralité armée et de nos institutions politiques. L’idée de la milice doit être à nouveau renforcée et ancrée dans la société.
Le financement de ces investissements nécessaires est possible si la volonté politique existe. Nous exigeons un rééquilibrage fondamental du budget fédéral en faveur de la sécurité. Alors que le bien-être social engloutit 36% du budget fédéral, la défense nationale n’en reçoit que 6.8%. Les dépenses de l’aide publique au développement représentent à elles seules plus de 4 milliards de francs. Le potentiel de réaffectation en faveur de l’armée est justement extrêmement élevé pour ce poste.
La taxe d’exemption de l’obligation de servir pour les étrangers peut générer des millions supplémentaires. Celui qui vit et travaille en Suisse doit aussi contribuer à la sécurité du pays. C’est une question de solidarité et de justice.
Nous devons agir avant qu’il ne soit trop tard. Nous devons agir maintenant pour être prêts pour l’avenir. Mesdames et Messieurs, le temps de détourner le regard est révolu. La Suisse est confrontée à un choix : soit nous investissons maintenant dans notre sécurité, soit nous risquons notre indépendance et notre neutralité, ainsi que notre liberté et notre autodétermination. L’UDC a présenté des exigences claires et réalisables. Il appartient désormais au Parlement et au Conseil fédéral de les mettre en œuvre. La neutralité armée rend la Suisse sûre et forte mais seulement si nous sommes prêts à investir en conséquence.
Merci.