Ne laissons pas la Suisse perdre le rythme

La Suisse se trouve à un tournant de sa politique des transports. Avec le nouvel accord sur les transports internationaux, le Conseil fédéral souhaite ouvrir progressivement le marché ferroviaire aux entreprises étrangères. Cela semble anodin, mais ce n’est pas le cas. En effet, cette ouverture impactera en profondeur nos transports publics.

Benjamin Giezendanner
Benjamin Giezendanner
conseiller national Rothrist (AG)

Une dangereuse rupture
À l’avenir, les entreprises ferroviaires de l’UE seront également autorisées à transporter des personnes à l’intérieur de la Suisse, c’est-à-dire non seulement à travers notre pays, mais aussi d’une gare suisse à une autre. Officiellement, la Suisse restera maître de ses rails. Mais le point décisif est le suivant : l’accord et le droit européen repris de manière dynamique ne déploieront pleinement leurs effets qu’après la prochaine concession des CFF. C’est alors que l’on verra ce que ces accords signifient réellement. En effet, parallèlement, le programme « Transports 2045 » prévoit la création de nouvelles capacités sur le réseau ferroviaire, avec des sillons supplémentaires financés par des milliards provenant des deniers publics. Et ce sont précisément ces sillons qui seront ouverts à l’avenir aux prestataires étrangers. Nous payerons donc l’extension, puis nous ouvrirons la porte à la concurrence.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
Des entreprises telles que Flixtrain sont déjà dans les starting-blocks. Leurs trains circulent là où cela en vaut la peine, c’est-à-dire sur les lignes rentables comme entre Zurich et Genève ou Lugano.
Mais quels trains circuleront encore dans la vallée de Conches, le Toggenburg, le Prättigau ou le Jura ? Il s’agit là d’un système sélectif qui se mettra en place au détriment des régions périphériques et du service public.

Qualité et ponctualité : notre marque de fabrique suisse
Notre réseau ferroviaire fonctionne parce qu’il est réglé avec précision, comme une horloge suisse. Mais nous voyons déjà aujourd’hui ce qui se passe lorsque des opérateurs étrangers circulent sur nos rails. Le train reliant Schaffhouse à Zurich, exploité par la Deutsche Bahn, affiche un taux de ponctualité d’environ 75% ; chez les CFF, ce taux dépasse 92%. Cette différence peut sembler minime, mais dans un système finement réglé comme notre horaire cadencé intégral, elle a des conséquences graves. Il suffit d’un train en retard pour que tout l’horaire soit perturbé.

Si, à l’avenir, plusieurs opérateurs circulent avec leurs propres systèmes de réservation, des normes différentes et des priorités étrangères, nous perdrons notre cadence.

Et sans cadence, la Suisse perdra sa qualité ferroviaire et ne tiendra plus ses engagements.

L’horaire cadencé est plus qu’une simple question de logistique.
Il symbolise une idée, celle que chaque région, chaque commune, chaque heure a la même valeur, que les liaisons ne sont pas créées en fonction du profit, mais en fonction des besoins.

Si les sillons sont désormais attribués en priorité à des prestataires étrangers et que les litiges peuvent être portés devant la Cour de justice européenne, nous abandonnons non seulement des droits de circulation, mais aussi une partie de notre souveraineté et de notre identité.

Conclusion
La Suisse dispose de l’un des meilleurs réseaux ferroviaires au monde parce que nous misons sur la qualité plutôt que sur la quantité, parce que nous planifions plutôt que de libéraliser à tout prix et parce que nous déterminons nous-mêmes le rythme de notre pays. Nous ne devons pas abandonner ce rythme, ni pour une concurrence à court terme, ni pour de fausses promesses.

L’horaire cadencé est notre fierté et il mérite d’être protégé, pas d’être ouvert au marché.

Si nous le perdons, nous perdons plus que quelques minutes de retard ; nous perdons une partie de la Suisse.

Benjamin Giezendanner
Benjamin Giezendanner
conseiller national Rothrist (AG)
 
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