éditorial

De défaite en défaite

On dit d’eux que ce sont de bons négociateurs, ces Messieurs du SFI, le Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales. Mais quand on commence à creuser un peu et à demander quelles…

Hans Kaufmann
Hans Kaufmann
anc. conseiller national Wettswil (ZH)

On dit d’eux que ce sont de bons négociateurs, ces Messieurs du SFI, le Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales. Mais quand on commence à creuser un peu et à demander quelles sont en vérité les victoires remportées par ces diplomates, quels avantages ils ont conquis pour la Suisse, c’est le grand silence. Dans le meilleur de cas on vous répondra que les résultats des négociations auraient pu être encore bien pires pour la Suisse.

 
La liste des échecs de la Suisse sur la scène internationale s’allonge de jour en jour. Après l’accord raté sur l’impôt libératoire et le traité sur la navigation aérienne, qui a surtout des inconvénients pour la Suisse, l’administration fédérale profité de l’absence estivale de nombreux élus politiques pour annoncer une autre débâcle: l’extension de l’accord OCDE concernant l’article 26 de la convention fiscale modèle. Il semble même que la Suisse ait approuvé cet accord puisqu’il a été accepté à l’unanimité.
Comme d’habitude, le Conseil fédéral tente d’enjoliver le résultat par des semi-vérités et des dissimulations. L’objectif de l’OCDE est bien connu: cette organisation, à laquelle appartiennent l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Autriche, trois pays qui sont censés conclure avec la Suisse le fameux accord sur l’impôt libératoire, veut un échange d’informations complet. Et l’article 26 révisé met en place précisément dans les faits un échange automatique d’informations. Surtout, il admet les demandées groupées. Ce type de demande permet la recherche, selon certains critères, de fraudeurs fiscaux présumés. Il s’agit en fait d’investigations collectives, de larges coups de filets, qui peuvent toucher également de parfaits innocents, à l’image de la dernière prouesse du Conseil fédéral sur ordre duquel les noms de milliers d’employés de banque ont été livrés aux autorités américaines. Début 2012, le Conseil fédéral avait pourtant explicitement déclaré que ce type d’investigation ne serait admis en Suisse qu’en présence d’un accord global avec les Etats-Unis. Mais le gouvernement continue de prétendre que ces demandes groupées ne sont pas des « fishing expeditions », donc des coups de filets. Ce refus de reconnaître la réalité ne provient pas d’une méconnaissance de la situation, mais il est intentionnel. Vers l’extérieur, donc sur la scène internationale, le Conseil fédéral joue les partenaires coopératifs, mais à l’intérieur il tente de dissimuler toutes les concessions désavantageuses faites à des gouvernements étrangers en donnant des interprétations nouvelles, voire trompeuses à des notions anciennes. Mais ces tentatives d’enjoliver la situation ne durent qu’aussi longtemps que l’étranger ne les dément pas. Citons à titre d’exemple l’article de l’accord sur l’impôt libératoire qui interdit l’achat actif de CD comportant des données sur des clients bancaires. Le Conseil fédéral avait bruyamment vanté cette clause comme une grande réussite et un argument en faveur de l’accord sur un impôt libératoire. Une interprétation totalement erronée comme le prouve la réalité actuelle. Contrairement à la Suisse, d’autres pays font passer leurs intérêts particuliers au-dessus de ceux des autres Etats.

L’énoncé de l’accord OCDE rend en fait superflu tous les autres accords fiscaux en admettant dans la pratique l’échange automatique d’informations. Cette nouvelle capitulation de la Suisse devant l’étranger est une étape de plus vers la suppression définitive du secret bancaire. Qui se souvient encore de cette déclaration grandiloquente du Conseil fédéral: « Le secret bancaire n’est pas négociable; l’étranger se cassera les dents sur le secret bancaire! » Celles et ceux qui ont cru à cette promesse du Conseil fédéral s’en mordent les doigts aujourd’hui. Et les tromperies gouvernementales se poursuivent joyeusement. Alors que récemment encore, lors de l’accord sur l’imposition du revenu de l’épargne, notre gouvernement affirmait qu’il ne s’agissait nullement d’un précédent en vue de l’imposition des déposants suisses, la ministre des finances vient de présenter au Parlement un projet qui prévoit exactement un tel impôt également pour les investisseurs helvétiques.

Cette série de tromperies et de contre-vérités finira par miner définitivement le crédit du gouvernement. Elle accélérera le départ – aujourd’hui déjà massif – de fortunes privées étrangères. On nous répète certes constamment qu’il n’existe plus au monde de havres d’accueil pour cet argent. Or, en analysant le développement des fonds privés et placements fiduciaires étrangers depuis leur niveau maximal, on constate qu’après déduction des pertes en bourse quelque 200 à 500 milliards de francs ont quitté la Suisse. Les milieux qui cherchent à supprimer le secret bancaire devraient avoir l’honnêteté de soumettre au peuple une modification de l’article 13 de la Constitution fédérale (protection de la sphère privée) au lieu de miner sournoisement le régime constitutionnel par des mauvais traités internationaux.

Hans Kaufmann
Hans Kaufmann
anc. conseiller national Wettswil (ZH)
 
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