éditorial

L’élégante stratégie du Conseil fédéral en matière boursière

L’été dernier déjà le Conseil fédéral avait décidé, sur proposition du Département fédéral des finances, de prendre des contre-mesures au cas où l’UE refuserait de reconnaître l’équivalence à la bourse suisse: les banques et négociants européens n’auraient plus le droit de négocier des actions suisses.

Thomas Matter
Thomas Matter
conseiller national Meilen (ZH)

Il y a peu l’Union européenne manifestait encore des attitudes belliqueuses à l’égard de la Suisse: si la Berne fédérale ne s’aligne pas sur les exigences UE concernant l’accord-cadre, l’UE n’accorderait plus une équivalence pour une durée indéterminée à la  bourse suisse, entendait-on de Bruxelles. Le Conseil fédéral refusant tout de même de donner son aval à l’accord-cadre, mais ouvrant une nouvelle procédure de consultation sur ce projet, l’UE s’est à son tour inclinée. Tout à coup, on a appris de Bruxelles que l’équivalence boursière accordée à la Suisse serait prolongée de six mois supplémentaires. Un miracle de Noël?

Le Conseil fédéral a enfin fait preuve de fermeté
La première explication est que le Conseil fédéral a enfin fait preuve de fermeté. Il n’a pas cédé aux pressions de Bruxelles, mais a maintenu son propre agenda. Ensuite, l’UE a cédé parce que le Département fédéral des finances et son chef, le conseiller fédéral UDC Ueli Maurer, avaient préparé il y a plusieurs mois déjà une stratégie de défense. L’objectif de cette riposte n’est pas de menacer l’UE, voire de déclencher une guerre économique qui ne ferait que des perdants. Le Conseil fédéral s’est au contraire mis d’accord sur une stratégie efficace à long terme pour protéger la bourse suisse contre les manœuvres de déstabilisation de l’UE et pour permettre au marché des actions de continuer de fonctionner sans dérangement ou presque. Le refus de Bruxelles d’accorder l’équivalence à la bourse suisse aurait en effet la conséquence que les banques européennes et les autres négociants de titres UE ne pourraient plus négocier des actions sur les bourses suisses.

Il n’existe absolument aucune raison objective pour Bruxelles de refuser l’équivalence de l’infrastructure boursière suisse, donc de Swiss Infrastructure and Exchange (SIX), avec celle de l’UE. Les connaisseurs de la branche savent que les processus techniques de la bourse suisse fonctionnent plutôt mieux que ceux des Etats UE. La conclusion d’un accord-cadre entre la Suisse et l’UE n’a strictement aucun rapport avec le principe de l’équivalence boursière – faute de quoi l’UE n’aurait certainement pas accordé cette équivalence aux Etats-Unis, au Canada, à Singapour, à Hong Kong ou encore à Israël. En fait, il s’agit purement et simplement de mesquines manœuvres de la part de Bruxelles pour faire pression sur la Suisse et tenter de lui faire avaler le traité colonial qu’est en réalité cet accord-cadre.

Tirs aveugles du PLR
Le Conseil fédéral vient donc de désamorcer la bombe UE par un coup intelligemment joué (cf. le magazine « Finanz und Wirtschaft »). Si l’UE devait effectivement refuser de reconnaître l’équivalence de la bourse suisse, non seulement elle raterait la cible, mais elle se pénaliserait elle-même. Par la voie du droit d’urgence, le Conseil fédéral interdirait en ce cas aux bourses et aux autres négociants UE de négocier des actions d’entreprises suisses. Selon une disposition UE sur les bourses, une reconnaissance de l’équivalence n’est en effet nécessaire que si un négociant de titres de l’espace UE souhaite négocier des actions suisses qui sont également négociées dans l’Union européenne. En revanche, cette exigence ne s’applique pas aux actions suisses qui ne sont pas négociées dans l’Union européenne. Les banques et les autres négociants de l’UE ont le droit de négocier ces actions sur les bourses suisses, indépendamment de l’existence d’une reconnaissance de l’équivalence. Bref, la menace de l’UE d’interdire la négociation d’actions suisses sur les bourses européennes n’est qu’un tigre de papier. La contre-mesure du Conseil fédéral aurait même un effet positif en ce sens que les négociations de papiers-valeur suisses se déplaceraient presque complètement en Suisse.

Il est surprenant dans ces conditions d’entendre précisément le PLR critiquer la stratégie intelligente du Conseil fédéral. Dans son service de presse, ce parti a critiqué le même jour la décision du Conseil fédéral en évoquant « un plan B discutable » et en affirmant même que le Conseil fédéral se tire dans le pied. Les auteurs de ces inepties sont même allés jusqu’à mettre en garde contre l’insécurité du droit que provoquerait cette décision qu’ils qualifient de surcroît d’inefficace. Le problème est que le PLR est à tel point fixé sur le projet d’accord-cadre avec l’UE qu’il est incapable de discerner la cause véritable d’une éventuelle insécurité du droit: celle-ci proviendrait en effet bien plus de la reprise aveugle de droit UE, qui échappe complètement à l’influence de la Suisse, et des décisions imprévisibles et définitives des juges étrangers de la Cour de justice UE.

Thomas Matter
Thomas Matter
conseiller national Meilen (ZH)
 
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