La Suisse – sur-règlementée et dirigée de l’extérieur

Un accord institutionnel avec l’UE doit être refusé pour des raisons économiques également, car un tel traité obligerait la Suisse de reprendre les règlementions de Bruxelles.

Hansjörg Knecht
Hansjörg Knecht
conseiller national Leibstadt (AG)

L’organe de réflexion "Avenir Suisse" analyse dans sa récente publication «Sortir de la jungle règlementaire» les moteurs de la constante vague de règlementation qui déferle sur la Suisse. L’une des principales causes de ce développement réside dans la reprise irréfléchie de règlementations internationales constate "Avenir Suisse", précisant que l’UE joue un rôle clé dans cette intensification des activités régulatrices internationales. Partant de ce constat, un accord institutionnel avec l’UE doit être refusé pour des raisons économiques également, car un tel traité obligerait la Suisse de reprendre les règlementions de Bruxelles.

La publication d’"Avenir Suisse" cite des estimations selon lesquelles la moitié environ de la législation annuelle au niveau de la Confédération est provoquée par des régulations internationales. Pendant que les uns parlent dévotement de droit international, d’autres, plus sceptiques et heureusement de plus en plus nombreux, critiquent la surrèglementation internationale qui n’a aucun ou très peu de rapport avec les droits de l’homme, mais sert principalement à restreindre les droits privés et économiques alors que sa légitimité démocratique est faible. Pendant que les uns évoquent des aspects techniques et juridiques, d’autres, plus pragmatiques, remettent en question la perte croissante de liberté en raison de la multiplication des régulations internationales. C’est également dans cette perspective que doit être considéré le projet d’accord-cadre institutionnel avec l’UE.

Réserves face aux régulations internationales

Bien que le droit international ait des aspects parfaitement positifs, les critiques concernant la jungle règlementaire internationale ne manquent pas.

  • Les prétendus efforts d’harmonisation cachent fréquemment des intentions politiques moins louables. Il s’agit de vérifier soigneusement dans chaque cas si le but d’une règlementation internationale n’est pas en réalité d’imposer à d’autres Etats les idées d’organes internationaux dominés par de puissants pays. Il est aujourd’hui ouvertement question de cartels régulateurs dont le but est bien plus de protéger des marchés nationaux que de renforcer la justice et l’équité. La politique internationale est fréquemment déterminée par des tendances impérialistes et les régulations constituent un instrument d’exercer un pouvoir sur les autres. 
  • La délégation des activités de régulation à des acteurs supranationaux comporte un important risque de concentration. L’harmonisation régulatrice internationale est marquée par un risque systémique de monoculture de la régulation. Dans un tel environnement, il n’est plus possible de démasquer et d’empêcher de mauvaises normes, car il n’existe pas de concurrence révélant les meilleures idées et régulations et écartant les mauvaises.
  • La régulation internationale comporte le danger d’un "race to top", pour reprendre le langage des experts. En clair, on assiste à une tendance constante à se placer au niveau de l’acteur le plus règlementé.
  • Il est en outre dans la logique des choses que les décideurs du plus haut niveau manquent fréquemment de connaissances pratiques et tendent de ce fait à faire des choix théoriques et technocratiques.
  • Enfin, la régulation en politique intérieure se pratique souvent "hors jeux", en ce sens que l’on se réfère aux régulations internationales pour imposer des idées difficilement acceptables, voire impossibles à faire accepter dans le propre pays. Cette pratique vise à écarter intentionnellement des éléments animant la réflexion comme la participation de tous les milieux concernés, la culture des larges auditions ainsi que d’autres aspects modérateurs.

Accord-cadre avec l’UE: reprise obligatoire des régulations

Partant de ces constats, l’économie suisse doit se demander sérieusement s’il est judicieux d’attacher la Suisse à l’UE par le truchement d’un accord-cadre. Cet accord projeté par le Conseil fédéral obligerait la Suisse de reprendre "dynamiquement", donc en fait obligatoirement, des règlementations UE. Mais ce projet d’accord comporte encore d’autres éléments difficilement acceptables du point de vue de la politique générale comme, par exemple, la compétence exclusive donnée à Cour de justice de l’UE d’interpréter les accords bilatéraux. Toute personne qui observe la bureaucratie UE et son zèle régulateur loin de toute considération pratique a du mal à accepter que la Suisse soit contrainte à son tour de reprendre dynamiquement, donc activement et attentivement, pareilles régulations. Comme chef d’entreprise, je suis horrifié d’entendre des mots comme "dynamique" et "régulations" dans la même phrase. Alors que nous avons aujourd’hui la possibilité de reprendre, de refuser ou de supprimer de manière indépendante et autonome des régulations, cet accord-cadre restreindrait massivement nos moyens d’élaguer la jungle règlementaire. L’économie suisse serait donc bien inspirée de ne pas s’imposer inutilement des règlementations supplémentaires. Son premier objectif doit être de sauvegarder sa compétitivité au niveau mondial.

Insécurité du droit à cause d’une régulation dynamique

La reprise dynamique de régulations comporte encore un autre risque. Elle menace en effet la sécurité du droit. Voici un exemple tiré de la publication citée plus haut pour illustrer ce constat:

Entrée en vigueur en 1995, la loi révisée sur les fonds de placement remplaçait un texte de loi surannée datant de 1966. Or, en 2007 déjà, la loi révisée a été remplacée par une loi sur les placements collectifs. Les deux réformes visaient à adapter les dispositions légales suisses à celles de l’UE. Mais cette agitation législative dans le seul but d’aligner la Suisse sur l’UE ne s’est pas arrêtée là. La loi a été une nouvelle fois révisée en 2013 et aujourd’hui le Parlement débat de ladite loi sur les services financiers.

Face à cette dynamique régulatrice, des procédés comme ceux imposés par la démocratie directe sont beaucoup plus constants et assurent la stabilité et la sécurité du droit. Voilà précisément pourquoi la Suisse passe aujourd’hui encore pour un pays politiquement et socialement stable, donc aussi économiquement attractif. La démocratie directe impose intentionnellement un processus long et lent avec un large horizon temporel. Voilà l’essence de la sécurité du droit – mais uniquement à la condition que les décisions du constituant, donc du peuple et des cantons, soient respectées. Le refus d’appliquer les décisions démocratiques, les tentatives de les reporter, voire de les éluder, autant de fautes dont se rendent de plus en plus fréquemment coupables le Parlement, le Conseil fédéral ou encore le Tribunal fédéral, minent en revanche la sécurité du droit.

Autodétermination contre zèle régulateur

La dynamique régulatrice ne peut être stoppée que par l’autodétermination démocratique. Nous devons veiller à sauvegarder notre autodétermination qui est la garante de notre prospérité ainsi que de nos conditions-cadres libérales et favorables à l’économie. De nombreuses études empiriques politico-économiques ont confirmé ce constat. Des structures décentralisées et la démocratie directe ont un effet ralentisseur sur l’Etat percepteur d’impôts et elles ont des effets positifs sur l’économie en générale. Conclusion: un accord-cadre institutionnel avec l’UE doit donc aussi être empêché dans l’intérêt des efforts de dérégulation.

Hansjörg Knecht
Hansjörg Knecht
conseiller national Leibstadt (AG)
 
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