éditorial

Les serviteurs d’Etats accapareurs et en crise

"La Suisse pâtit toujours au niveau international de la lourdeur de son système politique. Elle a besoin de beaucoup de temps pour faire passer des réformes intérieures, car elle doit toujours…

Martin Baltisser
Martin Baltisser
(AG)

« La Suisse pâtit toujours au niveau international de la lourdeur de son système politique. Elle a besoin de beaucoup de temps pour faire passer des réformes intérieures, car elle doit toujours tenir compte de tous les milieux concernés. » Pour affirmer cela, il faut avoir une conception affligeante du fonctionnement de l’Etat. Cette citation est de Pascal Saint-Amans, chef du service fiscal de l’Organisation pour la coopération et le développement (OCDE). Ce haut fonctionnaire de l’OCDE atteste cependant à la Suisse d’avoir fait des progrès phénoménaux en matière fiscale. Ce genre d’éloge fait mal, car l’objectif évident de l’OCDE est d’étancher la soif d’argent d’Etats endettés jusqu’au cou et de prélever de lourds impôts dans le monde entier. Malheureusement, elle a aussi de plus en plus de succès en Suisse.

A une cadence élevée, les plus grands débiteurs du monde vont valoir leurs intérêts via les organisations internationales. Ils imposent des standards au niveau mondial et décident souverainement qui est « conforme » et qui ne l’est pas. L’OCDE et le Fonds monétaire international sont ainsi devenus les serviteurs complaisants du G-8, du G20 et de l’Union européenne. Les intérêts qu’ils poursuivent reflètent la situation des pays qui donnent le ton: lorsque les budgets publics échappent au contrôle, les citoyens et les entreprises sont de plus en plus dégradés au rôle de simples pourvoyeurs de fonds. Echange automatique d’informations (donc citoyens mis à nu), suppression de pratiques fiscales nuisibles (donc empêchement de taux fiscaux jugés trop bas) et harmonisation mondiale (donc moins de souveraineté et de démocratie et plus de centralisme) sont les devises d’une époque dans laquelle le droit du plus fort remplace l’Etat de droit. Et le pire, c’est que cette croisade hypocrite brandit les drapeaux de la justice, de l’honnêteté et de la morale.

La Suisse se laisse entraîner
En Suisse aussi, des élus politiques, fonctionnaires et employés d’organisations économiques se laissent impressionner par cette agitation internationale. Ces milieux ne sont de toute évidence plus capable de distinguer entre les intérêts d’autres pays et ceux de la Suisse. « Orientée vers des solutions », « novatrice » et « progressiste », voilà comment Martin Landolt, président du PBD, a récemment qualifié cette politique. On n’a rarement présenté dans un plus joli emballage le manque d’objectif, l’alignement et le défaitisme.

La liste des objets politiques par lesquels la Suisse est actuellement en train de brader morceau par morceau ses qualités traditionnelles, que sont la sécurité du droit, la sphère privée, la liberté individuelle et la compétitivité économique, est longue: révision du droit pénal fiscal, application des recommandations révisées du Groupe d’action financière (GAFI), modification de la loi sur le blanchiment (adaptation des devoirs de diligence des banques) , accord FATCA avec les Etats-Unis, négociation avec l’UE concernant l’extension de l’accord sur l’imposition du revenu des avoirs en banque, dialogue fiscal avec l’UE, propositions du DFAE pour résoudre les questions institutionnelles avec l’UE, recommandations du groupe d’experts Brunetti, etc.

Se limiter à l’essentiel
Même les initiés à la politique fédérale ont du mal à garder une vue d’ensemble de cette multitude de thèmes et de projets. Il est d’autant plus difficile et plus important de développer une stratégie politique cohérente et de l’imposer. Tout remettre en question et modifier tous les réglages en même temps n’est certainement pas la bonne solution. Dans des situations difficiles de ce genre, il faut bien plus se concentrer sur l’essentiel et sur ce qui a fait ses preuves. Pour la Suisse, cela signifie qu’elle doit tout entreprendre pour sauvegarder sa prospérité et son indépendance. Les règles de la démocratie directe inscrites dans la Constitution fédérale sont une aide utile à cet effet. Les déroulements prévus des processus de décision politique doivent être respectés, la participation des milieux concernés doit être garantie, de même que celle de l’ensemble des citoyennes et citoyens suisses.

Car c’est précisément cette « lourdeur du système politique suisse » critiqué par le fonctionnaire Pascal Saint-Amans, employé de l’OCDE, qui, dans le passé, a empêché la Suisse de faire les mêmes erreurs que les autres pays. Ce n’est là ni une attitude prétentieuse ou présomptueuse, mais exactement le contraire: il s’agit bien plus de la stratégie efficace d’une petit Etat démocratique et ouvert au monde qui connaît précisément ses limites.

Martin Baltisser
Martin Baltisser
(AG)
 
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