éditorial

Occasion ratée de durcir les conditions pour l’obtention de prestations sociales par des étrangers

Avant les élections fédérales de 2015, une majorité de la Commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil national avait encore approuvé les propositions de l’UDC pour combattre le tourisme social au détriment de l’AI, des prestations complémentaires et de l’AVS.

Verena Herzog
Verena Herzog
conseillère nationale Frauenfeld (TG)

Avant les élections fédérales de 2015, une majorité de la Commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil national avait encore approuvé les propositions de l’UDC pour combattre le tourisme social au détriment de l’AI, des prestations complémentaires et de l’AVS. Les élections passées, la commission du National, à l’instar de celle du Conseil des Etats, ne veut plus d’un tel durcissement en arguant des accords passés avec l’UE. Or, la Grande-Bretagne vient de négocier une entente du même genre avec Bruxelles. Il est grand temps que la Suisse combatte elle aussi les abus sociaux et endigue le tourisme social.

Immédiatement après l’acceptation de l’initiative populaire "contre l’immigration de masse" l’UDC a déposé trois interventions parlementaires[1] afin de réaliser la volonté du peuple également au niveau des prestations sociales accordées aux étrangers et de stopper ledit tourisme social. Ces trois initiatives parlementaires étaient la conséquence logique de l’article constitutionnel 121a al. 2 approuvé lors de la votation populaire. En vertu de cette disposition, le droit des étrangères et des étrangers à un séjour durable, au regroupement familial et aux prestations sociales peut être réduit. Pour l’UDC, la Constitution fédérale est à la base de toute action de l’Etat.
 
Les girouettes
Ces propositions, qui avaient encore trouvé une majorité à la Commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil national avant les élections fédérales d’octobre dernier, ont entre-temps été rejetées par les commissions des deux chambres. Motif: on ne dispose pas de suffisamment de données statistiques pour pouvoir décider. En outre, les engagements contractuels pris par la Suisse dans le cadre de l’accord de libre circulation des personnes exigent l’égalité de traitement pour les ressortissants d’Etats membres de l’UE et de l’AELE, si bien que les restrictions réclamées par l’UDC ne seraient pas applicables. La marge de manœuvre dont dispose la Suisse est pourtant loin d’être exploitée et la Confédération continue d’avoir de bons atouts en main. Le Conseil fédéral refuse cependant de l’admettre, une attitude d’autant plus inacceptable que la Grande-Bretagne, Etat membre de l’UE, a manifestement réussi à obtenir le droit de restreindre les prestations sociales à l’égard de ressortissants de l’UE.
 
Nombre disproportionné d’étrangers
Le fait est qu’en 2012 déjà 46,2% de la totalité des bénéficiaires d’une rente AI étaient des étrangers alors que la part des étrangers à la population suisse était de 24,5%. La proportion de ressortissants des Etats UE/AELE ainsi que d’Etats tiers profitant des prestations complémentaires dépasse aussi largement celle des bénéficiaires suisses et elle augmente massivement au fil des ans. Elle atteint même 70% chez les réfugiés et les apatrides! Rappelons à ce propos que les prestations complémentaires ne font pas partie de l’accord de libre circulation. La Suisse pourrait donc intervenir rigoureusement au moins dans ce domaine. Par ailleurs, les restrictions demandées dans le domaine de l’AVS sont explicitement formulées de manière à ne pas discriminer les citoyens UE.
 
La légende des contributeurs nets
A propos des cotisants étrangers à l’AVS, on tente régulièrement de nous faire croire qu’il s’agirait de contributeurs nets, car (pour le moment) le total de leurs cotisations dépasse le total des rentes perçues. Mais les étrangers vieillissent eux aussi. A moyen terme déjà, ce dangereux système de boule de neige va donc coûter très cher à l’AVS dont la situation financière est loin d’être garantie. On sait également que la majorité des pays membres de l’UE appliquent des conditions plus sévères pour la perception de rentes et versent des rentes vieillesse moins élevées que la Suisse. Conséquence évidente: des étrangers approchant de l’âge de la retraite chercheront à obtenir un emploi en Suisse pour pouvoir profiter des rentes nettement plus élevées versées par notre pays. Il serait pourtant simple d’empêcher pareils agissements en portant d’une année actuellement à au moins deux années la durée minimale de cotisation pour l’obtention d’une rente.
 
La Grande-Bretagne donne l’exemple
A notre époque de grandes migrations, il est absolument indispensable de réduire l’attractivité de la Suisse comme pays d’immigration. Cet effort doit notamment porter sur les assurances sociales. Il faut que les générations à venir puissent elles aussi profiter d’un système social fiable. Ce que la Grande-Bretagne a obtenu comme pays membre de l’UE devrait logiquement être aussi à la portée de la Suisse comme non-membre. La solution admise par l’UE permet à la Grande-Bretagne d’indexer les allocations pour enfants (adapter les allocations au niveau de vie et au montant des allocations dans le pays de domicile) et de limiter à quatre ans les compléments de salaire versés par l’Etat pour des travailleurs nouvellement immigrés. Il s’agit là d’allocations qui sont financées par le budget de l’Etat et non pas par les cotisations des salariés et des employeurs. Elles correspondent en Suisse aux prestations complémentaires, à l’aide sociale ou encore à la réduction des primes d’assurance-maladie.

L’UDC projette de déposer de nouvelles interventions au Parlement pour que la Suisse limite de la même manière ses prestations sociales.


[1] In. parl. Etrangers. Conditions à remplir pour avoir droit à la rente AI (14.426 n)
In. parl. Prestations complémentaires. Délai de carence (14.427 n)
et In. parl. Rentes AVS. Prolongation du délai de cotisation (14.429 n)

Verena Herzog
Verena Herzog
conseillère nationale Frauenfeld (TG)
 
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