Halte aux abus dans l’assurance-invalidité!

par Hermann Weyeneth, conseiller national, Jegenstorf (BE)

Les chiffres sont alarmants: entre 1990 et 2002, le nombre de rentiers AI a passé de 130’000 à 258’000. En d’autres termes, environ une personne sur 20 en âge d’exercer une activité professionnelle perçoit aujourd’hui une rente AI. Les taux d’augmentation annuels varient entre cinq et huit pour-cent. Autre constat: lorsque l’économie va bien, le nombre de demandes de rente adressées à l’assurance-invalidité est nettement plus faible qu’en période de suppression d’emploi.

Si les dépenses de l’AI étaient encore de 4 milliards de francs en 1990, elles ont atteint 10 milliards aujourd’hui, dont 6 milliards sous forme de rentes et 4 milliards pour la réintégration professionnelle, les contributions au recyclage, les mesures médicales, les contributions aux institutions, les dépenses administratives et d’autres positions encore.

La population helvétique semble en outre avoir des problèmes psychologiques croissants. Durant cette même période, soit entre 1990 et 2002, le nombre de rentiers considérés comme invalides en raison de défaillances psychologiques a doublé. Chez les étrangers, en revanche, l’invalidité a plutôt des causes motrices. En Suisse, 73’000 des 220’000 rentes versées, soit une rente sur trois, ont des causes psychologiques. Il faut clairement relever à cet endroit que l’augmentation constante de la consommation de drogues – notamment la consommation de cannabis chez les jeunes – contribue pour une bonne part à cette situation désastreuse.

Abus évidents de l’assurance-invalidité

Comme mentionné d’entrée, les recours abusifs à l’assurance-invalidité sont particulièrement manifestes dans deux situations économiques:

a) dans les phases de suppression d’emplois, qu’il s’agisse d’un ralentissement économique, de problèmes spécifiques à une branche ou de réductions d’emplois dans certaines entreprises individuelles;

b) pour les personnes en fin de droit de l’assurance-chômage; ainsi, on doit constater que les offices sociaux des villes ont quasiment pris l’habitude d’envoyer ces personnes à l’assurance-invalidité.

Le caractère abusif de nombreux recours à l’assurance-invalidité est facile à prouver. La statistique révèle en effet que dans les cantons connaissant la plus forte densité de cabinets médicaux la société est plus malade et la proportion d’habitants à l’assurance-invalidité plus élevée qu’ailleurs. Exemple: dans le canton de Bâle-Ville, 9% de la population active sont à l’AI contre 3% dans le canton de Nidwald. Le peuple de Bâle-Ville est en bonne voie de devenir un haut lieu de l’invalidité suisse!

Le 13 juin 1999, le peuple suisse s’est prononcé sur une modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité. Il s’est tout particulièrement heurté à la suppression du quart de rente, si bien qu’il a rejeté le projet dans son ensemble. Il a ainsi raté l’occasion de renforcer la lutte contre les abus, car ce texte comprenait aussi un nouvel instrumentaire de contrôle. Cette loi aurait en effet permis, grâce au renforcement des services médicaux, de préciser les bases de décision médicales à l’intention des organes AI octroyant les rentes.

Mauvais exemple: les CFF

Certaines entreprises n’hésitent en tout cas pas à multiplier les abus. C’est le cas notamment des CFF qui, dans leur rapport de gestion 2002, annoncent que seulement 5% des personnes ayant quitté l’entreprise cette année-là avaient atteint l’âge légal de la retraite de 65 ans. Par contre, 18% ont bénéficié d’une retraite anticipée et 37% – donc plus d’un tiers – ont été mis à l’assurance-invalidité avec un âge moyen de 51! Cette situation est d’autant plus inquiétante que cette invalidisation massive est co-financée par le deuxième pilier. 40% ont accepté une retraite anticipée à 61 ans. Là encore, la caisse de pension doit intervenir en partie. Et cela à une époque où les institutions de la prévoyance professionnelle présentent des découverts massifs et ont un urgent besoin de moyens financiers. La caisse de pension des CFF annonce actuellement un trou de plusieurs milliards de francs. Reste que les CFF ont agi de la sorte pour réduire leur effectif du personnel. La situation conjoncturelle est mauvaise et l’employeur et les salariés se sont entendus pour des retraites anticipées afin d’éviter des plans sociaux. Ce procédé n’est néanmoins pas sérieux et, surtout, il est excessivement onéreux!

Certaines entreprises ont déjà augmenté les cotisations de l’employeur et des salariés. Winterthour Vie Suisse, par exemple, a décidé lundi dernier d’augmenter le 1.1.2004 la prime de risque de 30% en raison de la forte augmentation du nombre de cas d’invalidité. L’Office fédéral des assurances privées lui a donné son feu vert. La Rentenanstalt a avancé le même argument – hausse massive du nombre d’invalidités – pour justifier sa forte hausse de la prime de risque.

De surcroît, on constate que de nombreux offices d’assistance publique se débarrassent de personnes bénéficiant d’une aide publique en les poussant vers l’assurance-invalidité. Ce procédé doit immédiatement cesser. La Nouvelle péréquation financière est une bonne occasion pour agir dans ce sens. Voilà qui explique sans doute aussi l’opposition acharnée de la gauche à ce projet.

De nombreuses rentes AI sont versées à l’étranger

En analysant de plus près les chiffres de l’AI, on constate qu’une forte proportion de rentes sont versées à l’étranger. Selon la statistique de la centrale de compensation AVS/AI à Genève, 4’168 Suisses et 34’709 étrangers touchaient une rente AI à l’étranger en janvier 2002. Donc, un sixième des rentes sont perçues à l’étranger. Sur les 219’709 rentes versées en Suisse, 163’388 sont allées à des Suisses et 56’217 à des étrangers.

S’agissant des rentes versées à l’étranger, il est indispensable de modifier le mode de contrôle. Il est en effet évident qu’un médecin étranger n’est que faiblement motivé à déclarer en bonne santé un rentier AI et à lui enlever ainsi sa rente suisse. En fait, il perdrait un client généralement plutôt bien loti.

L’UDC demande en outre que les rentes AI versées à l’étranger soient adaptées au pouvoir d’achat local. Il n’est pas acceptable que des rentiers AI s’en aillent vivre dans des pays à bas prix pour profiter confortablement de leur rente, parfois même pour gagner davantage qu’une personne exerçant un travail dans ce pays.

Il s’agit de souligner une fois de plus que le recours abusif à une assurance sociale n’est pas un délit bénin. La législation doit mettre en place un dispositif qui empêche les abus. Les organes officiels qui tolèrent, voire qui facilitent, les abus se rendent coupables d’un délit grave et de gaspillage de l’argent public.

L’UDC a déjà déposé des interventions

Lors de sa conférence de presse du 10 juin 2003, le groupe UDC a présenté ses positions concernant le Deuxième pilier et l’assurance-invalidité sur la base d’un document de fond. Le Comité directeur du parti et le groupe parlementaire ont approuvé ce document et décidé de soutenir les exigences qu’il contient. L’UDC a déjà déposé deux motions invitant le Conseil fédéral à réaliser nos exigences. La première vise à combattre les abus et demande notamment l’introduction de mesures pénales en cas d’abus de l’assurance-invalidité. La seconde motion UDC demande – comme indiqué ci-dessus – que les rentes AI versées à l’étranger soient adaptées au pouvoir d’achat du pays concerné.

Il appartient maintenant au Conseil fédéral de s’attaquer à ces problèmes.

Nous voulons une assurance-invalidité saine capable de soutenir les personnes qui en ont réellement besoin. Cette institution doit être financièrement supportable. Elle n’a pas à entretenir des tire-au-flanc et ne doit pas non plus servir d’instrument de gestion du marché du travail.

 
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