La radicalisation est un processus

Si nous parlons aujourd’hui du thème de la radicalisation et de l’islam, il est bien de parler aussi d’un aspect spécifique de cette religion, c’est l’aspect fatalisme. Pourquoi ? Je vais vous expliquer dans un moment. Mais d’abord quelques mots sur la signification de ce concept.

– par Beat Feurer, conseiller communal, directeur des affaires sociales et de la sécurité de la ville de Bienne (BE)
Version orale lors de l’assemblée des délégués du 28 octobre à Frauenfeld (TG)

Par fatalisme il faut entendre un mode de pensée qui part du principe que notre vie et que tous les événements du monde sont prédestinés. Dans différentes religions ainsi comme dans l’islam, c’est dieu qui fixe la destinée de tout et de chacun. L’être humain ne doit pas s’y opposer. C’est dieu – dans ce concept – qui gouverne et l’être humain accepte. Il est important de comprendre ce concept. Les hommes et les femmes n’apprennent donc pas à se demander ce qu’ils peuvent faire pour améliorer leur vie, pour perfectionner leurs connaissances linguistiques (par exemple), pour offrir de meilleures conditions de vie à eux-mêmes et à leurs familles. Comme tout est volonté de Dieu, tout dépend en fin de compte uniquement et absolument de Dieu. Inshallah!

Il est important de se rendre compte que c’est précisément ce mode de pensée fataliste qui pousse nombre de sociétés du monde directement dans la pauvreté. Et lorsque les migrants musulmans ou autres viennent chez nous, ils ne viennent pas seulement avec leur corps, mais aussi avec leurs modes de pensée et d’action. Et c’est précisément là que surgit un problème. Le monde se développe. L’Occident chrétien et non fataliste progresse de manière très dynamique. Avec des conséquences douloureuses pour certains: en tant que musulman fataliste on arrive toujours trop tard, on passe toujours après les autres, on est toujours moins avancés que lesdits ennemis de Dieu. Leurs armes, leur technologie, leur richesse, leurs écoles ont une avance impossible à rattraper. Les méchants l’emportent sur nous, les musulmans, même dans la guerre…. Quelle humiliation!

Comment réagir dans une telle situation? Comment agit l’homme qui constate qu’il est toujours du côté des perdants?

Malheureusement, c’est une réaction souvent observée dans le monde musulman, qu’on s’aide en présentant comme mauvais, comme diabolique tout ce qu’on ne peut pas obtenir ou atteindre. « Voyez comme elle est immorale cette société non musulmane! Voyez comme les femmes sont légèrement vêtues, voyez comme les hommes sont mous! Envies sexuelles et décadence partout, dans la publicité, dans la rue, dans les bus et même à l’école. L’Occident est mauvais par essence et nous, les musulmans, nous sommes les bons. Donc, si l’Occident est mauvais, je n’ai pas besoin de faire un effort pour le rattraper, voire le dépasser. Je peux rester passif. »

Cela nous amène au deuxième thème: les musulmans se ressentent très souvent et très vite comme les victimes de l’impur.

Conclusion: les autres sont mauvais, ce sont les ennemis d’Allah et nous sommes les bons. Ou plus fort encore: nous, les enfants d’Allah, nous sommes les victimes des méchants. Un mélange qui devient très vite explosif et peut entraîner une radicalisation. Et il est donc exactement pour cette raison que nous parlons de ce sujet aujourd’hui.

C’est ce mélange qui pose problème: le fatalisme, le repli sur soi et la définition de l’Occident comme le mal définitif.

Avant d’en arriver aux conséquences pratiques de ce développement, je veux quelque peu différencier ce tableau en noir et blanc. C’est un fait: de nombreux musulmans sont bien intégrés en Suisse. Ils travaillent, ils font des efforts et ils parlent nos langues. Il va de soi qu’il n’y a pas que du noir et du blanc dans ce tableau. Même chez les musulmans pratiquants le fatalisme se manifeste plus ou moins fort. Il est cependant évident que même des musulmans parfaitement intégrés ont plus tendance à se ressentir comme des victimes de la société que des immigrants provenant d’autres cercles culturels.

Bien entendu, il n’existe pas que des musulmans fatalistes qui s’opposent au reste du monde. L’hindouisme comporte lui aussi une vision fataliste de la vie, quoique sous une autre forme et assez souvent même plus stricte encore. Même le christianisme est marqué par un léger fatalisme, notamment le catholicisme.

Ayant dit tout cela, on peut maintenant se poser la question suivante : Que cela signifie-t-il concrètement pour notre activité quotidienne dans l’aide sociale, notre activité quotidienne au service de l’intégration et de la sécurité?

Nous l’avons compris: il est difficile d’inciter des êtres humains aux convictions fatalistes de prendre en main leur vie, d’agir de manière proactive. Quel doit donc être notre réponse?

Je suis convaincu que notre réponse doit être radicalement différente; elle doit s’opposer radicalement au fatalisme. Notre réponse doit sonner comme un réveil: tu t’engages ou tu quittes le pays! Si nous voulons vraiment, que ces gens s’intègrent chez nous, nous devons tout faire pour sortir ces personnes de leur passivité. Nous devons agir vite et avec détermination. Mais…. que cela signifie-t-il?

Il faut leur dire…

si en un certain laps de temps tu as accompli une certaine tâche, tu bénéficieras de conséquences positives; si tu n’as pas accompli cette tâche, les conséquences seront négatives pour toi.

Concrètement: si en 6 mois tu as atteint le niveau linguistique A1, tu peux rester 6 mois de plus avec l’objectif d’atteindre le niveau linguistique A2. Ici, je fantasme un peu, j’en suis conscient.

Si vendredi matin à 9 heures tu vas à la mosquée au lieu de te présenter au service social, tes prestations sociales seront réduites.

Si à la mosquée tu t’engages directement ou indirectement pour des actions violentes contre des personnes d’une foi différente de la tienne, tu subiras des conséquences pénales.

Etc.

Un contrepoint clair est donc placé contre la passivité : ou tu deviens actif, ou tu pars. Ou tu t’actives, ou tu subiras les conséquences de ton inaction.

Ce qui compte, c’est que la personne concernée comprenne bien le rapport existant entre la conséquence et son comportement personnel.

Et qu’en est-il de la réalité dans beaucoup de communes? cela ne va certainement pas vous surprendre

La pratique sur le terrain est différente par rapport à ce que je viens de dire:

  • Nous l’avons vu dans le cas d’Abou Ramadan. Il est évident que cet individu n’a pas dû faire beaucoup d’efforts pour pouvoir vivre en Suisse. Comme réfugié reconnu, il semble qu’il a vite compris qu’il recevait automatiquement tout ce dont il avait besoin – sans faire le moindre effort. Il n’a jamais dû se poser la question suivante: que dois-je faire pour vivre dignement dans ce pays ? Il a pu rester tranquillement fataliste et il a même pu prêcher qu’il était nocif et contraire à la volonté de Dieu de s’intégrer dans la société suisse.
  • Certes, l’aide sociale peut sanctionner des personnes qui, par exemple, refusent d’apprendre la langue locale. Mais dans la pratique, on se pose immédiatement des questions du genre « Oh… est-ce que cette personne ne peut-elle pas apprendre la langue parce qu’elle est traumatisée? » ou « est-ce qu’on devrait pas avoir plus de patience avec cette personne, parce qu’elle n’est pas habituer à apprendre une langue ?». Aha, mais bien-sûr ils sont traumatisés. Et je ne le dis pas pour rigoler. J’en connais plusieurs personnes qui ont dû quitter leur pays et qui ont eu des expériences terribles, vraiment terrible. Cet après-midi même je vais visiter une telle personne. Mais pour sortir d’un tel traumatisme, assez souvent il faut exactement faire cela : sortir, devenir active, assumer sa responsabilité. Mais dans la pratique on a trop tendance à considérer les migrantes et les migrants comme des victimes et donc à les traiter comme telles. Et, forcément, on atteint souvent de cette manière l’objectif inverse à celui qui était visé.
  • même constat concernant la loi sur l’intégration du canton de Berne qui contient une foule de dispositions sans conséquences. La plus sévère est peut-être que les cours de langue doivent être suivis à raison d’au moins 80%.
  • Autre constat : les services de sécurité superposés ne transmettent pas leurs informations, même si cela ne pose aucun problème. Exemple l’affaire Ramadan: si le service social avait eu connaissance des voyages à l’étranger de cet individu, des restrictions auraient été possibles.

Droit d’asile, droit de l’aide sociale, loi sur l’intégration, loi sur la police – toutes ces règlementations ont des conséquences directes pour les communes. Or, les communes ne sont que des organes exécutants. Leur marge de manœuvre est quasi nulle.

J’arrive presque à la fin de mon discours.

Sur la base que je viens de dire, je propose que nous devons mener une réflexion dans les domaines suivantes si nous voulons changer les conditions de base:

  1. Comment concevoir notre législation sur l’asile de manière à éviter les automatismes? Protéger les victimes, oui, mais l’intégration reste obligatoire.

Intégration signifie aussi abandon des attitudes fatalistes. Mais cela ne sera possible que si nos exigences sont clairement formulées. Comme je l’avais mentionné, notre droit sur l’asile actuelle n’est pas basé sur ce principe. J’en suis donc conscient, je suis même convaincu, mesdame, messieurs, qu’une telle réflexion doit nous amener à reconstruire le droit sur l’asile de manière profonde.

  1. Comment adapter notre législation sur l’aide sociale? À l’heure actuelle, nos services sociaux sont payés en termes de nombre de dossiers. Pourquoi ne pas les payer dans le ratio des fermetures de dossiers – par exemple? Nous avons en tout cas besoin dans l’aide sociale de conditions-cadres claires qui obligent les services sociaux à axer leurs activités sur des objectifs quantitatifs concrets et mesurables.
  2. Les interfaces vers les services de sécurité doivent être soumises à une analyse critique. Il n’est pas acceptable que des personnes abusent de notre aide sociale alors que les services sociaux ne sont pas informés par les agences de sécurité sur les agissements de ces individus.

Ma conclusion et mon appel à la politique de toutes les niveaux contient 3 mots: respect (amour), conséquence, pouvoir

  • Nous devons reconnaitre que les immigrants ne pensent souvent pas comme nous le faisons! C’est un signe de respect ou d’amour d’entrer dans une communication avec eux en acceptant, qu’ils viennent d’une culture différente, avec une langue différente, des prérequis différents. En même temps ce respect et la volonté de leur donner un avenir réussi doit nous motiver à faire tout ce que nous pouvons pour les activer et les sortir de la passivité.
  • Laissez-nous adapter nos lois de manière cohérente pour que l’intégration est récompensée et la désintégration est punie.
  • Laissez-nous redonner à nos communes une vraie marge de manœuvre, parce que ce sont les communes qui font les travaux de base.

 

 
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