La Suisse et ses relations avec l’UE

Caspar Baader
Caspar Baader
Gelterkinden (BL)

Il y a douze ans, l’UDC du canton de Zurich décidait ici à l’Albisgütli de combattre le projet d’adhésion de la Suisse à l’EEE, l’Espace économique européen. D’autres sections cantonales ont suivi le mouvement. Finalement, l’UDC fut le seul parti gouvernemental à s’opposer à cette adhésion. Ce fut la premier acte de ce combat que l’UDC mène contre le Conseil fédéral et les autres partis politiques qui veulent faire entrer la Suisse dans l’Union européenne.

Combat efficace contre l’adhésion à l’EEE et à l’UE

Lors de la mémorable votation du 6 décembre 1992, le peuple suisse a rejeté l’EEE, grâce notamment à la résistance de l’UDC. Ce refus s’explique notamment par le fait que le Conseil fédéral avait qualifié l’EEE de camp d’entraînement en vue de l’entrée dans l’UE et qu’il avait subrepticement déposé avant la votation une demande d’adhésion à Bruxelles. Malgré plusieurs demandes de l’UDC, cette demande n’a toujours pas été retirée alors que le peuple a une fois de plus massivement rejeté l’idée d’une adhésion à l’UE en 2002 en enterrant avec une proportion rejetante de 77% l’initiative « oui à l’Europe ». Ce scrutin a démontré une fois de plus que le peuple suisse préférait sauvegarder l’indépendance et la souveraineté de son pays plutôt que d’adhérer à l’UE. Entre-temps, les milieux économiques se sont également rendus compte qu’une entrée dans l’UE aurait des conséquences négatives pour l’économie suisse.

Dès le début, donc au moment déjà de combattre l’EEE, l’UDC a demandé que les relations avec l’UE soient réglées par le biais d’accords bilatéraux. Mais cela ne signifie pas qu’il faille approuver aveuglément tous les accords que la Suisse pourrait conclure avec l’UE.

Accords bilatéraux I

En 1999, les accords bilatéraux I entre la Suisse et l’UE ont été finalisés. Il s’agit d’un ensemble de sept traités indépendants portant sur les domaines de la recherche, des acquisitions publiques, des obstacles techniques au commerce, de l’agriculture, des transports aériens, des transports terrestres ainsi que de la libre circulation des personnes. L’UDC a certes approuvé ces accords lors de son assemblée des délégués du 15 avril 1999 à Appenzell, mais, à l’époque déjà, elle avait noté que les résultats obtenus par les négociateurs suisses étaient insuffisants.

Aujourd’hui, nous souffrons tout particulièrement de l’accord sur les transports terrestres qui prévoit l’ouverture progressive de l’axe de transit nord-sud au trafic international des camions de 40 tonnes. Nous ressentons régulièrement les effets de cet accord sous la forme de kilomètres de bouchons sur nos routes. Le fameux transfert des transports de marchandises de la route au rail n’a eu lieu que dans la tête de quelques illusionnistes. Quant à l’accord sur la libre circulation des personnes, il est aujourd’hui déjà largement exploité alors que l’ordonnance sur la limitation du nombre d’étrangers prévoyait encore un contingentement jusqu’à la fin du mois de mai de cette année. La première année, les contingents étaient déjà épuisés après dix mois. Le premier juin 2004, la Suisse a entamé la deuxième des trois étapes qui conduisent à la totale libre circulation des personnes dès 2011. Durant cette période, les travailleurs de l’UE ont, dans le cadre du contingent, les mêmes droits sur le marché du travail que les travailleurs indigènes et les conditions de travail et de salaire ne sont plus contrôlées. Comme c’était prévisible, la libre circulation des personnes augmente le travail administratif des assurances sociales et génère des dépenses supplémentaires. En outre, les caisses-maladie doivent également assurer les membres de la famille d’une personne travaillant en Suisse, même si cette famille habite à l’étranger. Et ces personnes ont également droit aux contributions pour la réduction des primes d’assurance.

Grâce à l’UDC, le peuple aura au moins la possibilité de décider en 2009, par un vote référendaire, de la poursuite de la libre circulation des personnes, donc des sept accords, et de tirer, si nécessaire, le frein de secours.

Accords bilatéraux II

Avant même l’entrée en vigueur des accords bilatéraux I au milieu de l’année 2002, l’UE a mis la place financière suisse sous pression en prétextant que celle-ci favorisait l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent sale. Concrètement, l’UE demandait à la Suisse de participer à un système d’échange d’informations. Les banques suisses auraient ainsi dû communiquer aux autorités fiscales concernées les identités des personnes domiciliées dans l’UE et touchant des intérêts en Suisse afin que le produit de cette épargne puisse être imposé dans le pays d’origine de l’épargnant. Ce procédé aurait définitivement miné le secret protégeant les clients des banques et la place financière suisse en aurait été gravement affectée.

Dans les négociations sur les accords bilatéraux II (un ensemble de 9 dossiers, dont les textes, mis à part les déclarations d’intention ou plutôt les « conclusions » signées le 19 mai 2004, ne sont pas encore accessibles au public), la Suisse semble avoir réussi à se défendre efficacement contre les pressions de l’UE grâce à l’accord sur l’imposition du revenu de l’épargne. Au lieu d’échanger des informations avec l’UE, la Suisse s’engage à introduire un impôt sur les agents payeurs qui fonctionne comme l’impôt anticipé. La Suisse prélève un impôt sur le revenu de l’épargne déposée par des personnes domiciliées à l’étranger (25% durant les 5 premières années, 30% durant les 5 années suivantes, puis 35%) et verse 75% du produit de cet impôt à l’Etat UE concerné, mais sans indiquer le nom de l’épargnant. Notre pays devient ainsi le percepteur de l’UE, mais il peut au moins préserver son secret protégeant les clients des banques. Cela n’empêche qu’aujourd’hui déjà on entend certains Etats membres de l’UE, comme la France, l’Italie, les Pays-Bas, l’Espagne et la Suède, déclarer que ce système d’imposition ne peut être une solution durable et qu’il faut viser en fin de compte un échange d’informations.

Elargissement de l’UE à l’est et libre circulation des personnes

En raison de l’élargissement de l’EU à l’est qui est entré en vigueur le 1er mai 2004, la Suisse a dû négocier parallèlement une extension des accords bilatéraux I (notamment celui sur la libre circulation des personnes) aux dix nouveaux Etats membres de l’UE. Alors que six des sept accords bilatéraux I sont automatiquement étendus aux nouveaux membres UE, l’accord sur la libre circulation des personnes doit être conclu individuellement avec chaque nouveau membre. Il est interdit que ces accords divergent de ceux passés précédemment avec les 15 membres de l’ancienne UE. Dans le cadre de cet élargissement à l’est, la Suisse a dû reprendre une réglementation interne à l’UE qui admet une période de transition jusqu’au 30 avril 2011 avec des contingents qui passent progressivement de 900 à 3000 personnes par an. Au delà de ce terme, la Suisse peut invoquer une clause de sauvegarde jusqu’en 2014.

Il semble qu’entre-temps un accord ait pu être trouvé concernant les droits de douane sur les réexportations que l’UE a soudainement décidé de percevoir. Ce régime aurait dû initialement entrer en vigueur le 1er mars 2004 avant d’être reporté au 1er juin 2004.

Schengen: un risque de sécurité

Mais revenons aux accords bilatéraux II. A côté de l’accord sur l’imposition du revenu de l’épargne, six autres accords ne semblent à première vue pas poser de problème. Il s’agit des accords sur les produits agricoles transformés, les pensions des anciens fonctionnaires UE résidant en Suisse, la protection de l’environnement, la statistique, l’éducation et la jeunesse ainsi que les médias. Par contre, quelques incertitudes demeurent concernant les effets sur le secret bancaire de l’accord sur la lutte contre la fraude.

L’accord « Schengen » est en revanche très délicat. Il s’agit de la convention la plus étendue jamais conclue entre la Suisse et l’UE. Elle concerne la sécurité intérieure de notre pays. Ce domaine n’était pas concerné par l’EEE. L’accord de Schengen supprime les contrôles de personnes aux frontières. C’est pour des raisons avant tout politiques que l’UE a supprimé ces contrôles afin d’effacer définitivement les dernières animosités entre l’Allemagne et la France, les ennemis de la Deuxième Guerre mondiale. Cependant, malgré l’affiliation de la Suisse au système d’information de Schengen (une banque rassemblant des données concernant les personnes recherchées sur le plan international), cet accord représente un risque de sécurité pour la Suisse, car celle-ci serait contrainte de supprimer les contrôles frontaliers. Seuls les contrôles douaniers des marchandises pourraient être maintenus. Par contre, la vérification des personnes seraient limitée aux contrôles volants derrière les frontières. Il faudra à cet effet engager notamment des patrouilles volantes dans les villes de Bâle, Genève et Schaffhouse et prévoir des barrages routiers avec contrôle des papiers sur les routes principales et les autoroutes, ce qui demanderait beaucoup plus de personnel que les contrôles frontaliers actuels. Affirmer que « Schengen » augmente la sécurité intérieure, c’est oublier que le Corps suisse des gardes-frontière a retenu en 2003 – tout en se limitant à des contrôles sporadiques – 101’219 personnes qui n’avaient pas de papier d’identité et remis 34’063 personnes à la police. Les contrôles frontaliers sont le meilleur moyen d’empêcher des immigrants clandestins et des criminels d’entrer en Suisse. L’UE en est d’ailleurs parfaitement consciente. Ses pays membres rétablissent régulièrement les contrôles frontaliers en marge de grands événements comme le mariage princier en Espagne, les championnats d’Europe de football au Portugal ou encore le sommet du G8. Il est également significatif que des membres de l’UE comme la Grande-Bretagne et l’Irlande n’acceptent pas d’adhérer à l’accord de Schengen parce qu’ils refusent la politique de sécurité de l’UE et préfèrent maintenir leurs contrôles frontaliers. On ne connaît pas non plus les effets de l’accord de Schengen sur la législation suisse en matière d’armes. Il est à craindre que cet accord interdise la conservation de l’arme militaire à domicile.

Schengen égale perte de souveraineté

En adhérant à l’accord de Schengen, la Suisse serait contrainte d’adapter sa politique de sécurité non seulement au contenu actuel du contrat, mais aussi au développement futur de ce droit, donc reprendre automatiquement l’acquis Schengen. Ce processus n’est pas compatible avec nos droits démocratiques, car il restreint massivement notre droit de participation et, partant, notre souveraineté. Il semble effectivement que la majorité du Conseil fédéral tente avec cet accord de Schengen de préparer le terrain à l’adhésion à l’UE comme la conseillère fédérale Michelin Calmy-Rey l’a ouvertement admis en avril 2003 lors de sa conférence de presse des cent premiers jours. Voilà la seule explication du fait que la conclusion des accords bilatéraux II a été achetée par une petite majorité du Conseil fédéral pour le prix d’une contribution de 200 millions de francs par an au fonds UE de cohésion. Le ministre des finances, Hans-Rudolf Merz, s’y était opposé, estimant, selon des comptes rendus parus dans la presse, qu’un versement de 50 à 100 millions de francs était suffisant. Le Conseil fédéral a préféré faire ce pas vers l’UE que d’assumer sa responsabilité financière à l’égard de son propre pays.

Votation populaire indispensable

Contrairement aux accords bilatéraux I, les neuf accords bilatéraux II ne sont pas liés entre eux. Ils peuvent être acceptés ou refusés séparément. Il s’agira donc dans la discussion à venir de peser soigneusement les avantages et les inconvénients de chaque dossier. L’accord de Schengen touchant à des principes centraux de notre Etat de droit, comme la sécurité intérieure et la souveraineté, ce texte doit absolument être présenté au peuple. L’UDC invite donc le Conseil fédéral à le soumettre au référendum obligatoire du peuple et des cantons. Dans son message de 1999 sur les accords bilatéraux I, le Conseil fédéral avait d’ailleurs lui-même relevé que l’adhésion à l’accord de Schengen représentait un transfert de souveraineté à une organisation supranationale. L’article 140 de la Constitution fédérale prévoit le référendum obligatoire dans ces cas. Mercredi dernier, le Conseil fédéral a cependant décidé de soumettre 7 des 9 accords – donc celui de Schengen – au référendum facultatif. Cette décision s’explique, d’un côté, par la peur d’affronter le peuple et les cantons et, de l’autre côté, par le souci de plaire à Bruxelles. Dans le cadre de l’examen parlementaire, l’UDC continuera de se battre pour que ce projet soit soumis au référendum obligatoire. Si le parlement n’accède pas à cette demande, l’UDC sera contrainte de lancer un référendum ou de soutenir une telle campagne afin que le peuple ait au moins son mot à dire dans une affaire aussi importante.

Caspar Baader
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