Le prix élevé des monopoles et participations étatiques

Que faut-il entendre par monopole? Un monopole est une situation commerciale dans laquelle un unique fournisseur (l’entreprise monopolistique) est opposé à de nombreux demandeurs. Le plus souvent…

Hans Kaufmann
Hans Kaufmann
Wettswil (ZH)

Que faut-il entendre par monopole? Un monopole est une situation commerciale dans laquelle un unique fournisseur (l’entreprise monopolistique) est opposé à de nombreux demandeurs. Le plus souvent il n’existe pas de produits de remplacement qui permettraient aux demandeurs de contourner valablement l’entreprise monopolistique. En outre, l’accès au marché est entravé complètement ou partiellement par des obstacles légaux ou d’autre nature. L’entreprise monopolistique peut s’assurer des bénéfices maximaux en limitant la quantité produite ou en imposant des prix qui ne sont pas conformes à la réalité du marché.

Les citoyennes et les citoyens sont généralement confrontés à plusieurs monopoles ou quasi-monopoles d’Etat. Des lois les obligent à recourir aux services de telle ou telle entreprise monopolistique. Je songe notamment à la SUVA ou encore la radio et la télévision dont la taxe de concession doit être payée par tous, même par ceux qui n’écoutent ou ne regardent pas de chaîne publique suisse, mais uniquement des postes privés ou étrangers, par exemple via leur propre antenne satellite. Ces exemples montrent qu’un monopole d’Etat n’est pas forcément une entreprise d’Etat.

Des monopoles d’Etat peuvent être utiles

Il va de soi qu’il existe des monopoles d’Etat utiles comme, par exemple, le monopole de la violence (par la police et par l’armée) ou encore le monopole de la monnaie donné à la Banque nationale. Ces monopoles ne peuvent évidemment pas être cédés à des privés, car le risque d’abus serait énorme. Certains monopoles « naturels » peuvent également être avantageux pour l’économie nationale quand une prestation peut être produite à meilleur compte par un seul fournisseur que par plusieurs. C’est le cas pour de nombreuses infrastructures dont les frais fixes sont élevés et dont le doublement par un nouveau fournisseur conduirait à la ruine les deux fournisseurs en raison d’une demande limitée.

Les monopoles artificiels, par contre, sont le plus souvent le résultat de réglementations légales. Ils n’existent pas seulement dans le secteur privé où les brevets, licences, droits d’auteurs ou barrières technologiques comme la propriété du « dernier kilomètre » dans la branche des télécommunications ou encore le droit à des réserves de matières premières peut générer des bénéfices problématiques; ces monopoles artificiels sont aussi présents dans le secteur public où l’Etat s’est réservé, par le biais de lois spéciales, des domaines qui l’intéressent. Avec certains monopoles, l’Etat se donne la possibilité de redistribuer les richesses. La majorité des assurances sociales obligatoires, dont la structure des primes ne répond que rarement aux risques assurés, font partie de ces monopoles de redistribution. La possibilité de mener une politique de redistribution à grande échelle via des prestations réglementées par l’Etat est l’une des principales raisons qui poussent la gauche à défendre bec et ongles le service public. De larges milieux ne s’en rendent même pas compte. Au fond, le service public n’est pas autre chose qu’une machine à redistribuer l’argent via des prestations étatiques.

Les monopoles publics doivent être remis en question

Alors que certains monopoles privés comme celui de Microsoft dans les logiciels d’exploitation ou de Monsanto dans la branche des semences sont sévèrement critiqués, la population semble accepter les monopoles d’Etat comme une fatalité incontournable. Nous sommes nombreux à ne pas nous rendre compte de la quantité de monopoles étatiques ou quasi étatiques existant en Suisse. On s’y est habitué depuis longtemps et on trouve tout à fait normal que la concurrence soit absente dans beaucoup de domaines, donc que l’Etat régule les prix directement ou indirectement et que l’Etat tire des revenus supplémentaires de ces monopoles. La vue d’ensemble de neuf pages récemment publiée par le préposé à la surveillance des prix donne une bonne idée de ces interventions massives de l’Etat dans le marché libre.

Je n’ai pas l’intention de théoriser plus longtemps sur les monopoles. Je préfère expliquer à l’exemple de la SUVA, pourquoi nous devrions nous engager pour la suppression de certains monopoles étatiques. Entreprise indépendante de droit public, la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accident, la SUVA, assure depuis 88 ans obligatoirement les entreprises dont les employés sont exposés à un risque élevé d’accident et de maladie professionnels. Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’assurance-accidents en 1984, la SUVA a certes perdu son monopole d’assurance-accidents obligatoire puisque des assureurs privés ont également été admis dans ce secteur. Néanmoins, la loi sur le travail dresse toujours la liste des entreprises qui doivent être obligatoirement assurées à la SUVA. A côté des entreprises de production mentionnées plus haut, il s’agit également des administrations publiques ainsi que de leurs entreprises annexes. Aujourd’hui, plus de 100’000 entreprises employant environ 1,8 million de personnes sont contraintes de s’assurer à la SUVA.

La SUVA, un monopole inutile

Le problème avec les entreprises monopolistiques, c’est de prouver qu’elles pratiquent des prix surfaits. Faute de concurrence, on ne dispose en effet pas de prix comparatifs. Ces sociétés justifient en règle générale leurs prix élevés par leurs coûts, mais aucune tierce personne n’aura jamais la moindre chance de pouvoir vérifier l’efficience du travail d’une entreprise monopolistique et, surtout, de vérifier si des redistributions ou subventions transversales se produisent au sein de la palette de produits. Le changement structurel de l’économie suisse et le déplacement de sites de production à l’étranger ont fait perdre à la SUVA des parts du marché, car le secteur industriel recule alors que celui des services progresse. Pour limiter les pertes, la SUVA a exploité les dispositions légales en vigueur (article 66 LAA) concernant l’affiliation de nouvelles branches. Il est donc désormais possible de comparer les primes. Ainsi, les opticiens, sertisseurs, magasins de sport, comestibles, entreprises de transport, entreprises de nettoyage, conciergeries, etc. sont désormais soumis à la SUVA. On a donc pu comparer les primes au moment où ces entreprises ont dû changer d’assurance. Or, bon nombre de branches nouvellement soumises à la SUVA ont subi des hausses massives de leurs primes (primes triplées pour les accidents dans l’entreprise, plus 70% pour les accidents non professionnels) par rapport à leur assurance privée précédente. Cette hausse des coûts de production qui frappe avant tout des PME n’est pas acceptable. Elle prouve par ailleurs que ces monopoles d’Etat travaillent plus cher que les entreprises privées. Il faut donc les supprimer.

Le Conseil fédéral a demandé en 2003 une analyse coût/rendement de l’assurance-accidents obligatoire. Selon cet avis d’expert, la SUVA présente un découvert financier de 972 millions de francs dans le domaine des provisions pour les prestations à court terme. Ce découvert devra de toute manière être comblé, que la SUVA soit privatisée ou non.

Mais qui est censé boucher ce trou de la SUVA? Il semble de surcroît que cette institution accuse un retard de quatre milliards de francs en ce qui concerne les allocations de renchérissement. Si ces estimations sont correctes, la SUVA agit comme une énorme machine à redistribuer l’argent aux frais des générations à venir. Le fait que cette assurance procède effectivement à une redistribution des richesses est confirmé par le niveau des primes prélevées auprès des chômeurs assurés, primes excessivement basses pour des raisons politiques. En d’autres termes, la SUVA ne calcule pas ses primes en fonction du risque réel alors que la loi l’y oblige. Cette politique commerciale génère un excédent de dépenses de 116 millions de francs selon l’analyse coût/rendement citée plus haut. Qui va payer cela et comment les assurances privées travaillant également dans ce domaine peuvent-elles être certaines que la SUVA ne pratique pas également des tarifs politiques dans d’autres secteurs comme les administrations publiques ou entreprises proches de l’Etat?

La hausse massive des primes subie par les entreprises nouvellement soumises à la SUVA ainsi que les structures tarifaires politiques et non pas adaptées aux risques effectifs appellent à une suppression rapide de ce monopole d’Etat. Il existe suffisamment d’assurances privées couvrant le risque d’accident. Dans la même mesure où des banques cantonales bien gérées peuvent exister à côté des banques privées, une SUVA efficacement dirigée et pratiquant des primes adaptées aux risques peut affronter la concurrence des compagnies privées. Toutefois, si ces dernières peuvent offrir la même couverture d’assurance à un prix nettement inférieur, la SUVA perd sa raison d’être. Sa privatisation est néanmoins souhaitable pour éviter que les assurés et les contribuables ne soient contraints d’injecter des milliards supplémentaires dans cette institution. De plus, la privatisation supprimerait le lamentable copinage politique qui sévit au sein de la SUVA.

Les risques des prêts et participations publiques

Il n’y a pas que la SU/VA qui pourrait coûter cher aux contribuables bien que la Confédération n’y participe pas financièrement. Il y aussi toutes les autres entreprises dans lesquelles la Confédération tient une participation. Contrairement à un investisseur privé, l’Etat ne peut pas limiter sa responsabilité en cas de crise. L’exemple de Loèche-les-Bains et bien d’autres cas semblables montrent que les pouvoirs publics peuvent perdre énormément d’argent dans de telles faillites. Il est donc grand temps de passer au peigne fin les participations de l’Etat. Nombre d’entre elles ne sont plus nécessaires ou ne l’ont même jamais été. En analysant plus en détail les actifs saisissables dans le compte d’Etat de la Confédération, on constate que cette dernière agit à grande échelle comme banquier et financier pour divers groupes d’intérêts. En d’autres termes, la Confédération fait des affaires qui devraient être réservées au secteur financier privé. Cependant, ces affaires sont fréquemment traitées à des conditions non conformes aux conditions du marché si bien qu’il s’agit de subventions cachées.

Par exemple, la Confédération accorde des prêts de construction immobiliers pour plus de 800 millions de francs à son personnel. Par ailleurs, elle a avancé plus de 300 millions de francs à une fondation immobilière pour les organisations internationales à Genève. Près de 1,6 milliard de francs sont liés à la construction de logements sociaux. Les prêts de 1,8 milliard de francs aux CFF pour les investissements d’infrastructure et de 900 millions aux entreprises de transports concessionnaires comme le BLS, les Chemins de fer rhétiques, etc. mais aussi les 1,2 milliard de francs avancés au secteur des transports aériens (aéroports de Bâle et Genève, Skyguide, maintien d’un service de transport aérien, etc.) paraissent difficilement récupérables. L’agriculture aussi bénéfice via les cantons de prêts fédéraux d’investissement pour quelque 2,2 milliards de CHF alors que le secteur touristique a une dette à la Confédération de 120 millions pour le crédit hôtelier.

Chaque année, la Confédération amortit des sommes importantes sur ces prêts qui se montent actuellement à 9,4 milliards de francs au total. L’an passé, cet amortissement s’est monté à près de 500 millions.

Selon le bilan de la Confédération, Swisscom ne vaut que la moitié de Swiss

En outre, 120 millions de francs ont été amortis sur les participations fédérales qui atteignent 12 milliards de francs dans le bilan de la Confédération. Ces participations sont cependant calculées en règle générale sur la base du capital-actions nominal et non pas en fonction de la valeur commerciale des sociétés. Swisscom ne figure dans le bilan de la Confédération qu’avec un montant de 41,5 millions de francs. Ainsi, la participation fédérale de 66% dans Swisscom ne vaudrait que la moitié de la participation fédérale dans Swiss qui s’affichait fin 2004 à 94 millions de francs. Or, nous savons parfaitement que le paquet d’actions Swisscom détenu par la Confédération vaut encore 16 milliards de francs en bourse malgré la récente chute du cours de cette action. La participation la plus importante et qui, selon le bilan, représente les trois quarts du total des participations fédérales, est celle dans les CFF avec 9 milliards de francs. Elle est suivie par la Poste (1,3 milliard), RUAG (340 millions) et de nombreux autres engagements.

Les risques découlant de ces participations dépassent souvent largement le simple engagement financier. Il faut donc les réduire au strict minimum nécessaire et les liquider le plus rapidement possible, faute de quoi les contribuables pourraient une nouvelle fois ressentir durement – comme dans le cas de Swissair – ce qui peut arriver quand l’Etat participe à une entreprise travaillant dans le secteur privé. L’UDC veut éviter cela. Elle demande donc à la Confédération de renoncer à toutes ses participations inutiles.

Hans Kaufmann
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Wettswil (ZH)
 
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