Pour un changement de paradigmes en politique d’asile: empêcher la migration, externaliser les procédures d’asile, faire respecter les règles

La Confédération prévoit jusqu’à 40’000 demandes d’asile pour 2023. Un nouveau record. L’an passé plus de 52’000 clandestins ont été interceptés aux frontières. Deux cantons ont déjà déclaré l’état d’urgence en matière d’asile. La politique suisse d’asile et de migration ne répond plus à la réalité actuelle. La situation commence à échapper à tout contrôle. Notre droit d’asile est obsolète. Pour combattre les activités criminelles des passeurs et retrouver le contrôle des personnes entrant en Europe, il faut améliorer l’aide sur place, mais aussi externaliser les procédures d’asile. Conclusion: un changement de paradigme est indispensable.

Gregor Rutz
Gregor Rutz
conseiller national Zürich (ZH)

Il y a près de 50 ans, en 1974, le conseiller national UDC bernois Walther Hofer a réclamé une loi sur l’asile. Or, à l’époque déjà il constatait que le texte mis en vigueur ne répondait pas aux besoins d’une politique migratoire axée sur l’avenir. Au lieu d’imposer des restrictions, « le Conseil fédéral a ouvert toutes grandes les portes de la Suisse », relevait Walther Hofer. Un constat parfaitement juste comme comme il se confirme aujourd’hui.

Les problèmes sont connus depuis plus de 20 ans
Les problèmes que nous affrontons aujourd’hui sont connus depuis longtemps. Le 12 février 2003 on pouvait lire ce qui suit dans le quotidien « Neue Zürcher Zeitung »: « La migration n’est guère pilotée en Suisse, mais elle est gérée de manière juridiquement propre par les deux lois sur l’asile et sur les étrangers. » Le journal notait également que de nombreux jeunes Africains viennent en Suisse « alors qu’il ne s’agit absolument pas de réfugiés menacés dans leur vie et leur intégrité physique ». Et de poursuivre: « Ce ne sont pas non plus des réfugiés de la pauvreté, mais simplement de personnes décidées à saisir les chances que leur offrent des sociétés prospères. Elles sont envoyées par leurs proches en Europe pour organiser depuis ici l’envoi d’argent et de marchandises vers leur patrie. »

Urs Betschart, alors directeur adjoint de l’Office fédéral des réfugiés, devait également déclarer à l’époque: « 90% des requérants viennent en Suisse par la voie de l’asile alors que celle-ci n’est pas prévue pour eux. »

Attraction renforcée par une règlementation obsolète
Non seulement ces problèmes existent encore de nos jours, mais ils se sont aggravés. Le constat suivant s’impose clairement: la législation suisse sur l’asile est totalement surannée et passe à côté de la réalité. Il est grand temps de procéder à un changement de paradigmes. La politique d’asile de la Suisse était traditionnellement concentrée sur l’aide aux personnes vivant dans le voisinage immédiat.

Or, aujourd’hui, nous sommes confrontés à des mouvements migratoires globaux. Selon le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, le nombre de personnes déplacées dans le monde a plus que doublé durant les dix ans écoulés. En 2012 quelque 40 millions de personnes étaient en fuite dans le monde; ce nombre a passé à 103 millions aujourd’hui et il continuera d’augmenter: les décalages en termes de prospérité et les développements démographiques accélèrent les flux migratoires en direction de l’Europe de l’Ouest.

La Suisse n’a aucune stratégie en politique migratoire
Nombre de nos problèmes sont faits maison. En comparant le nombre de décisions positives en matière d’asile prises en première instance en Suisse avec ceux de l’Italie, de l’Allemagne ou de la France, on constate que notre pays est beaucoup plus généreux que ses voisins. Des requérants d’Afghanistan, d’Erythrée, de Syrie ou de Turquie ont beaucoup plus de chances d’être admis en Suisse que dans d’autres pays européens.

Les migrants – le plus souvent des jeunes hommes – le savent parfaitement: même sans aucun motif d’asile ils ne seront pas renvoyés dans leur pays. Les tentatives des milieux socialistes et écologistes de légaliser lesdits « sans-papiers » (donc les personnes séjournant illégalement en Suisse) renforcent l’attraction qu’exerce la Suisse sur les migrants. Quant à la dénomination de « personnes admises provisoirement », elle est trompeuse, car le renvoi de ces personnes est en réalité presque impossible. En règle générale, ces gens restent définitivement en Suisse avec des conséquences extrêmement graves pour les charges sociales et la sécurité publique.

Les chiffres sont alarmants:

  • le nombre de demandes d’asile a passé à 24’500 l’an passé. Pour 2023 le Secrétariat d’Etat à la migration (SEM) prévoit jusqu’à 40’000 nouvelles demandes d’asile. Un nouveau record.
  • l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (ODSF) a annoncé pour l’année 2022 au total 52’077 personnes illégalement présentes aux frontières. Environ 95% de ces migrants illégaux ne voulaient pas déposer une demande d’asile, mais voulaient quitter à nouveau la Suisse et poursuivre leur voyage vers un autre pays – c’est du moins ce qu’ils prétendaient.
  • jusqu’à fin décembre plus de 72’500 Ukrainiens ont reçu du statut « S ». Du coup, le nombre de personnes dans le processus d’asile dépasse pour la première fois 120’000. Cela coûte cher et provoque des goulets d’étranglement – constat illustré par la déclaration d’état d’urgence en matière d’asile lancé par deux cantons.
  • à ces chiffres il faut ajouter 45’000 personnes admises provisoirement (donc dont la demande d’asile a été refusée) et 76’000 « sans-papiers » (donc des personnes vivant illégalement en Suisse).

Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que les infrastructures d’asile soient submergées.

Les réfugiés restent le plus souvent dans leur pays d’origine
En réalité, la grande majorité des personnes déplacées ne s’enfuient pas à l’étranger, mais cherchent à se protéger dans leur pays d’origine. Les femmes et les hommes qui fuient la guerre ou d’autres catastrophes souhaitent rentrer le plus vite possible chez eux. Il en va de même pour les quelque 35 millions de réfugiés qui quittent leur patrie. Plus de 72% d’entre eux s’enfuient dans un pays limitrophe du leur. Les personnes qui entreprennent un long voyage au-delà de plusieurs continents ont le plus souvent des motifs très différents. Ce sont eux qui alimentent les passeurs, les trafiquants d’êtres humains et le crime organisé. Bien qu’il s’agisse d’une minorité de migrants qui entreprennent un long voyage, leur nombre étouffe la Suisse.

La Suisse doit enfin faire respecter les règles
La politique migratoire suisse est un fiasco complet. Elle renonce en particulier à piloter l’immigration. L’initiative populaire contre l’immigration de masse n’ayant pas été appliquée, beaucoup trop de gens viennent en Suisse. Conséquence de la politique d’asile laxiste, la Suisse accueille des migrants dont elle n’a pas besoin: au lieu de professionnels qualifiés, elle reçoit des migrants économiques provenant de pays lointains.

Les Suisses se sentent de plus en plus étrangers dans leur propre pays. Des valeurs comme la démocratie, la tolérance, l’égalité des droits, voire le monopole étatique de l’usage de la force sont ouvertement contestées. Les nouveaux immigrants viennent d’autres cultures et se moquent de nos valeurs. C’est ainsi que la Suisse finira tôt ou tard par se détruire.

Réorienter la politique d’asile
Pour reprendre le contrôle de la migration, il faut commencer par agir en sorte que les migrants potentiels bénéficient de perspectives dans leur propre pays, donc qu’ils ne soient pas motivés à venir en Europe. Il faut aussi externaliser les procédures d’asile. Plusieurs Etats développent des projets de centres d’asile à l’extérieur du pays. C’est par exemple le cas de la Grande-Bretagne, du Danemark et de l’Autriche. La Haute Cour de Justice de la Grande-Bretagne a récemment jugé que le renvoi de personnes entrées illégalement dans un camp de réfugiés au Rwanda était conforme à la Convention sur les réfugiés. Le gouvernement britannique tente ainsi de dissuader les immigrants clandestins de traverser la Manche.

Les socio-démocrates autrichiens argumentent de manière semblable: des centres de procédure d’asile à l’extérieur de l’UE « constituent la seule solution raisonnable pour empêcher des souffran-ces, mettre un terme aux activités des passeurs criminels et retrouver le contrôle des personnes entrant en Europe » (programme d’action 2023 de la SPÖ). Le Parti socio-démocrate autrichien exige que les procédures d’asile soient menées à la frontière extérieure de l’espace Schengen ou en dehors de l’Europe. Il veut à cet effet échanger avec l’Allemagne et la Suisse pour développer des projets communs. Il est complètement incompréhensible pourquoi le Conseil fédéral ait refusé jusqu’ici d’examiner des possibilités de ce genre.

En outre, la Confédération doit exécuter les renvois, procéder immédiatement aux rapatriements et informer le public sur ces actions. Cette nouvelle politique comprend également une réorientation de l’aide au développement et un renforcement de l’aide sur place. Voilà la seule manière de combattre efficacement les activités criminelles des passeurs et trafiquants d’êtres humains.

Aider et protéger ne signifie pas forcément admettre un séjour en Suisse. Nous devons changer de mode de raisonnement. Faute d’une définition complètement nouvelle de la politique migratoire, un nouveau fiasco est programmé d’avance.

Gregor Rutz
Gregor Rutz
conseiller national Zürich (ZH)
 
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