Consultation

Exercice du mandat parlementaire pendant le congé de maternité

L’UDC Suisse rejette l’avant-projet, qui représente un nouveau privilège réservé aux politiciens. Résoudre des problèmes en créant de nouvelles inégalités de traitement n’est pas une solution durable. Les questions relevées par les initiatives cantonales ont une cause plus profonde : la transformation néfaste de la politique de milice en politique professionnelle.

Selon le droit en vigueur, le droit à une allocation pour cause de maternité s’éteint après 98 jours, soit quatorze semaines. Il prend fin avant de manière anticipée si la mère reprend une activité lucrative. Cette disposition, applicable à toute activité lucrative, concerne aussi les députées qui participent à une séance parlementaire durant leur congé maternité.

L’avant-projet vise à modifier la disposition en créant une exception : les députées devraient pouvoir continuer à toucher leur allocation alors même qu’elles participeraient aux séances plénières du Parlement fédéral ou d’un parlement cantonal ou communal. Cette proposition doit être rejetée ou, pour le moins, modifiée.

Refuser une nouvelle inégalité de traitement
Si la recherche du système le plus juste pour les hommes et les femmes est une tâche essentielle et permanente du monde politique, il serait erroné de limiter la réflexion au seul domaine parlementaire. Ce faisant, il est inévitable d’aboutir sur de nouvelles injustices

En l’occurrence, le fait de permettre aux seules députées de reprendre une activité sans mettre en péril leur droit à une allocation pour maternité crée une situation de deux poids, deux mesures vis-à-vis d’autres femmes actives professionnellement. Comment justifier que ces dernières doivent choisir entre la participation à une seule journée de travail et leur allocation maternité alors que les élues fédérales peuvent siéger durant une session de trois semaines, à Berne, puis continuer de percevoir l’allocation ?

L’argument phare motivant l’avant-projet, à savoir le respect de la volonté populaire exprimée lors de l’élection des femmes concernées, ne convainc pas : il faudrait alors étendre l’exception prévue aux membres des pouvoirs exécutif et judiciaire étant nommées par votation populaire. L’avant-projet ne le fait pas (pour des raisons, par ailleurs, fondées). La deuxième justification évoquée, à savoir le fait que le vote d’une parlementaire est perdu si elle ne renonce pas à son allocation maternité, impliquerait pour sa part d’étendre l’exception aux élues des conseils exécutifs, ce que l’avant-projet ne fait pas.

L’avant-projet pose plus de problèmes qu’il n’en résout
Dans son rapport relatif à l’introduction du congé maternité, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national précisait justement qu’une reprise de l’activité lucrative, même partielle, mettrait « toujours fin au droit » à une allocation. La CSSS-CN puis la majorité populaire lors de la votation correspondante entendaient « notamment encourager la mère à épuiser totalement son droit aux allocations de maternité[1] ».

Le but est expressément de protéger les mères, leur permettant de se reposer, mais également de leur donner le temps de s’occuper intensément de leur enfant durant les premiers mois[2]. Une brèche serait ouverte dans ce système en cas d’acceptation de l’avant-projet : les groupes parlementaires pourraient exercer une pression sur les élues ayant accouché récemment afin qu’elles participent à des débats, principalement en cas de votes importants et potentiellement serrés.

Il découle de ce qui précède que la modification proposée crée une inégalité de traitement entre les députées et les femmes actives professionnellement d’une part et entre les membres d’un pouvoir législatif et les membres d’un pouvoir exécutif ou judiciaire d’autre part. En outre, l’avant-projet met au second plan la protection des mères et le bien-être des enfants, laissant des appréciations politiques primer leur plein respect.

La solution proposée étant particulièrement arbitraire, elle occasionnera plus de problème qu’elle n’en résoudra.

Il faut au minimum revoir le projet
En sus de ce qui précède, l’avant-projet présente deux problèmes évidents :

  • Le seul argument cohérent pouvant justifier le privilège accordé aux députées par rapport aux autres femmes exerçant une activité lucrative est l’accomplissement de leur activité parlementaire, voulue par le peuple lors de leur élection. L’avant-projet devrait donc se limiter aux cas dans lesquels la volonté démocratique ne peut pas être exercée autrement. Pourtant, il ne tient pas compte des systèmes de suppléance prévus par la loi. Ces systèmes visent expressément à palier des situations lors desquelles les élus ne peuvent assumer leurs fonctions. Accorder une dérogation à des élues qui pourraient se faire remplacer est injustifiable.
  • Si l’on part du principe que l’exercice de l’activité parlementaire prime l’égalité de traitement vis-à-vis des autres mères au nom du respect de la volonté populaire exprimée lors des élections, alors il faut étendre son application aux séances de commission. En effet, les travaux qui y ont lieu sont essentiels au déroulement des processus politiques, au même titre que ceux qui se déroulent durant les séances plénières.

Ces deux problèmes peuvent être corrigés. Ainsi, si – contre l’avis de l’UDC – l’avant-projet devait aller plus loin, il conviendrait à l’évidence de suivre la minorité plutôt que la majorité de la CIP-CE.

Pour le surplus, l’UDC appelle à une réflexion globale sur le système politique de milice : la problématique profonde soulevée par les initiatives cantonales découle du fait que l’activité politique se confond toujours plus avec une activité professionnelle. Aujourd’hui déjà, trop de parlementaires vivent de leurs mandats politiques. Il s’agit d’une dérive à corriger. C’est dans ce sens qu’il faut œuvrer afin de permettre aux mères d’exercer leurs fonctions sans créer d’inégalité de traitement vis-à-vis des femmes actives professionnellement.

[1] FF 2002 7022 ch. 3.1.

[2] ATF 139 V 250, 253.

 
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