éditorial

Basses combines pour faire ratifier la Charte sociale

Le Conseil fédéral veut continuer d’étendre l’Etat social. Il se sert à cet effet de la Charte sociale du Conseil de l’Europe qu’il entend faire ratifier. Pour arriver à ses fins, le Conseil fédéral recourt à de basses combines.

Thomas de Courten
Thomas de Courten
conseiller national Rünenberg (BL)

Le Conseil fédéral veut continuer d’étendre l’Etat social. Il se sert à cet effet de la Charte sociale du Conseil de l’Europe qu’il entend faire ratifier. Un nouveau rapport du Conseil fédéral in corpore existe à ce sujet depuis le début du mois de juillet. Toutefois, le gouvernement n’a pas le courage d’admettre ouvertement ses projets sociaux. Car plusieurs fois déjà le Parlement a refusé la reprise intégrale par la Suisse de la législation sociale européenne et la ratification de la Charte. Pour tout de même arriver à ses fins, le Conseil fédéral recourt à de basses combines.

Ce fut le conseiller fédéral Pierre Graber (PS) qui avait signé en 1976 la Charte sociale européenne de l’époque dont l’origine remonte à 1961. Aujourd’hui, presque 40 ans plus tard, le Conseil fédéral tente de faire passer en force au Parlement cet accord social qui entre-temps a été notablement élargi par le Conseil de l’Europe. Son but est de renforcer encore une fois l’Etat social suisse. En octobre prochain déjà, les commissions de politique extérieure examineront le rapport du Conseil fédéral sur la compatibilité de la Charte sociale européenne révisée avec le régime légal suisse et la Commission de la sécurité sociale et de la santé discutera d’une pétition demandant la signature et la ratification de la Charte.

La ratification n’est pas souhaitée

Jusqu’ici, le Conseil national et le Conseil des Etats ont toujours refusé de ratifier cet accord. La raison est simple: l’Etat social suisse est déjà fortement développé. Et le principe de la justice sociale est appliqué en Suisse avec plus de rigueur que dans les pays européens voisins. Le niveau élevé des assurances sociales suisses est d’ailleurs un des motifs de la forte immigration en provenance des pays européens.

D’innombrables avis de droit, procédures de consultation, rapports administratifs et rapports complémentaires concernant la Charte sociale ont été rédigés ces dernières décennies. Le Parlement s’est penché moult fois sur ce thème avec des experts internes et externes, et aussi sans experts du tout. Chaque fois, il a été clairement constaté que la ratification de la Charte sociale n’avait aucun sens, car cet accord contient des obligations incompatibles avec la structure fédéraliste de la Suisse, donc avec la répartition des tâches entre la Confédération, les cantons et les communes.

Pierre d’achoppement: la formation professionnelle duale

Et c’est là que sa révèle la première partie de la combine du Conseil fédéral. Dans son nouveau rapport, le gouvernement relève que la Suisse n’a pas besoin de respecter toutes les dispositions du contrat. Il est certes absurde de signer un contrat pour ensuite ne pas le respecter, mais cette démarche n’est pas nouvelle – en Europe du moins. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est que la reconnaissance minimale de la Charte sociale par la Suisse ne peut être réalisée que si la formation professionnelle duale – le modèle à succès qu’on nous envie partout – ne doit être couverte que par une disposition complémentaire, mais non pas par un article-clé de la Charte. Ce qui faisait obstacle jusqu’ici, c’est que la Suisse admet une rémunération pour les jeunes en formation alors que la Charte sociale n’accepte pas ce principe.

Les acrobaties du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral ne veut donc reconnaître la Charte sociale qu’à bien plaire, juste ce qu’il faut. Une reconnaissance "à la carte", comme il dit lui-même. On en arrive ainsi à la deuxième partie de la combine gouvernementale dont le but est de faire accroire au Parlement que la législation suisse actuelle suffit à la ratification de la Charte sociale et qu’il n’est pas nécessaire de procéder à d’autres adaptations. Nul besoin d’être prophète pour prédire que le centre-gauche du Parlement suivra avec enthousiasme ce raisonnement bidon. Le but de la combine est donc de contourner la résistance opposée jusqu’ici par le Parlement. La manœuvre est de surcroît camouflée par le fait que le gouvernement ne prend pas encore position dans son rapport sur la ratification de la Charte sociale. Il se contente d’en démontrer la possibilité. Il ne dira pas aujourd’hui, mais seulement demain s’il veut ou non ratifier la Charte.

Objectif: une extension sans borne de l’Etat social

Troisième et dernière partie de la combine gouvernementale: une fois la ratification en poche, le Conseil fédéral attend de la gauche parlementaire qu’elle réclame à cor et à cri l’application de tous les articles de la charte sociale que la Suisse ne connaît pas, par exemple le renforcement des syndicats par un soutien de l’Etat ou encore une protection sociale complète des travailleurs migrants. Le Conseil fédéral encourage très clairement la gauche politique à revendiquer une application complète de la Charte sociale en Suisse. Au lieu de s’occuper enfin de l’assainissement et de la consolidation des assurances maladie, chômage, invalidité et vieillesse ainsi que d’autres institutions sociales, le gouvernement ouvre déjà un débat sur un prochain renforcement de l’Etat social.

La combine du Conseil fédéral est cousue de fil blanc. Aussi, l’UDC rejette-t-elle comme jusqu’ici avec détermination la ratification de la Charte sociale européenne.

Thomas de Courten
Thomas de Courten
conseiller national Rünenberg (BL)
 
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