éditorial

Ces affaires n’ont pas leur place dans le droit pénal

Le 9 février prochain les Suissesses et les Suisses voteront sur une modification du Code pénal et du Code pénal militaire. Le but de cette réforme est de pénaliser la discrimination et les incitations à la haine en raison d’orientations sexuelles. Il s’agit en fait d’une extension aussi inutile qu’insensée de la norme antiraciste.

Roger Köppel
Roger Köppel
conseiller national Küsnacht (ZH)

Alors qu’en Suisse un nombre croissant de crimes ne sont même plus poursuivis et punis, le Conseil fédéral et le Parlement veulent soumettre un nouveau délit pénal au jugement des tribunaux: la discrimination des homosexuels. Il faut rappeler à ce propos que les milieux homosexuels se sont longtemps battus à juste titre contre la position de marginaux que leur conférait l’Etat et contre des règles spéciales les concernant. Peu à peu les règlementations réellement discriminatoires ont été levées, par exemple la tenue de registres d’homosexuels par la police, les dispositions légales contre les relations amoureuses entre personnes du même sexe ou encore l’imposition d’un âge de protection légale plus élevé dans le droit pénal sexuel. Aujourd’hui les couples homosexuels peuvent obtenir un cadre légal pour leur partenariat et il est probable qu’ils pourront bientôt également se marier.

Il est d’autant plus curieux que ce soient précisément les homosexuels qui réclament aujourd’hui un traitement spécial – qui, par ailleurs, provoque une discrimination d’autres minorités: le 9 février prochain le peuple suisse devra en effet décider dans l’urne s’il veut étendre l’interdiction de discrimination aux orientations sexuelles dans le cadre de la norme antiraciste en vigueur. Une personne qui dénigre publiquement des homosexuels ou qui « incite à la haine » contre des homosexuels sera donc punie. On a cité à titre d’exemple un confiseur qui refuse de confectionner un gâteau de mariage pour un couple homosexuel masculin ou féminin. Or, le droit de ce confiseur n’est-il pas aussi légitime que celui d’un confiseur homosexuel qui refuse de cuire un gâteau pour un couple hétérosexuel d’une religion rejetant l’homosexualité?

Des opinions divergentes doivent être permises sans que l’Etat ne brandisse une menace d’emprisonnement
A mon avis ce projet de norme pénale est superflu et même nuisible pour plusieurs raisons. Le droit pénal en vigueur protège les homosexuels tout comme les hétérosexuels contre des insultes et des injures. Tout un chacun peut se défendre en justice contre des atteintes à l’honneur et les délits violents sont de toute manière sanctionnés par le droit pénal. Mais cela ne signifie pas que l’on ne doive pas avoir le droit de critiquer des homosexuels ou d’émettre des jugements négatifs sur eux, voire de raconter des blagues sur les homosexuels. Moi-même je dois supporter régulièrement des atteintes de ce genre comme conseiller national UDC ou comme rédacteur en chef de l’hebdomadaire « Weltwoche ».

Deuxièmement, j’estime que cette extension de la norme antiraciste constitue un grave abus. Lorsque cet article largement contesté avait été mis en vigueur, on nous avait promis qu’il visait uniquement les milieux niant l’holocauste ou des déclarations haineuses de néonazis. Or, même des agissements de cette sorte pourraient être combattus efficacement par des arguments concrets. J’estime aussi qu’il est faux de chercher à protéger n’importe quelle minorité contre des discriminations sous le prétexte de l’antiracisme. Pourquoi ne pas alors permettre l’invocation de la norme antiraciste non seulement aux homosexuels, mais aussi aux personnes âgées, aux handicapés, aux étrangers, aux protecteurs des animaux ou encore aux adeptes de la nourriture végane?

D’un point de vue libéral, cette nouvelle restriction de la liberté d’expression doit être catégoriquement refusée. Il n’est pas acceptable que n’importe quelle déclaration irréfléchie ou stupide amène son auteur devant le juge pénal. Le mode de penser et le mode d’expression sont aujourd’hui déjà suffisamment uniformes et ennuyeux pour ne pas encore les restreindre davantage. Des opinions divergentes, voire douteuses doivent pouvoir être exprimées sans que l’Etat ne menace leurs auteurs d’une amende, voire d’un emprisonnement. Le temps est venu de se décrisper. Amis, soyez donc plus décontractés!

Roger Köppel
Roger Köppel
conseiller national Küsnacht (ZH)
 
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