éditorial

Quand le Tribunal fédéral insulte les femmes ou comment violer sans gravité !

Les dispositions visant à garantir l’internement à vie des délinquants dangereux et non amendables ont vraiment du plomb dans l’aile, malgré l’acceptation de l’initiative du même nom par peuple et cantons le 8 février 2004.

Céline Amaudruz
Céline Amaudruz
conseillère nationale Genève (GE)

Dans un article du 19 novembre dernier, je relevais l’application potentiellement aléatoire du texte dans la mesure où certains psychiatres n’arrivent pas à admettre leur impuissance en l’état actuel de la science. Ils pronostiquent donc une rédemption possible de l’expertisé dans le futur, quel que soit le crime, disons plutôt les crimes qu’il a pu commettre.

Ce constat alarmant n’est hélas pas le seul danger qui menace la volonté populaire. Nous apprenons aujourd’hui que Markus W., considéré comme l’un des délinquants sexuels les plus dangereux de Suisse, échappe à l’internement à vie auquel l’avait condamné le Tribunal pénal de Bâle en juillet 2013, peine complémentaire à 4 ans et demi de prison.

"Ce prédateur sexuel traquait les femmes dans les forêts, les garages et les aires d’autoroutes. Il les droguait, puis les violait. Après avoir fait 22 victimes, il avait été condamné à l’emprisonnement." 

Voilà ce qu’on peut lire sur le site du gratuit 20minutes.ch. On fait plusieurs lectures pour être absolument sûr d’avoir bien compris. Hélas, il faut bien l’admettre, un des plus dangereux délinquants sexuels du pays ne sera pas condamné à l’internement à vie grâce à une nouvelle jurisprudence surprenante du Tribunal fédéral. Manifestement, l’internement à vie n’enthousiasme guère les juges de Mon-Repos. En effet, le Tribunal fédéral s’y met aussi en cassant le verdict qui lui était soumis, expliquant que l’internement à vie ne s’applique pas ici.

"Dans son verdict, (…) les juges de Mon-Repos ont estimé que l’internement à vie n’est pas justifié dans ce cas présent. Le TF a rappelé que la violation de l’intégrité physique, psychique et sexuelle des victimes devait être "particulièrement grave" pour qu’un internement à vie se justifie. Ce qui n’est pas le cas ici, contrairement à ce qu’a estimé le Tribunal pénal de Bâle, précise le TF".

Incroyable ; un viol commis avec l’aide de produits stupéfiants ne peut être invoqué dans le cas d’un internement à vie selon les dispositions voulues par le souverain, alors que manifestement un viol "simple" si l’on peut dire permettrait l’application des dispositions dont il est question.

Le Tribunal fédéral plane très haut dans les nuages. Tout à sa joie de jouer les sophistes chicaniers, mais il a manifestement perdu le sens de la réalité, à plus forte raison avec les décisions prises par le Peuple. Cette haute instance s’applique donc à corriger les bas instincts populaires par des arguments inaccessibles au profane, vidant ainsi de leur substance des dispositions censées protéger la population.

On constate aussi que pour nos juges, un viol, commis avec l’aide de substances qui diminuent les capacités, n’est pas "particulièrement grave". C’est une insulte incompréhensible faite aux femmes qui doivent pouvoir bénéficier de leur corps comme elles l’entendent et non constituer une réserve de chasse pour des crapules. Comment ces fins juristes peuvent-ils qualifier de pas "particulièrement graves" des actes qui laissent les victimes dans le désarroi le plus total, avec parfois une absence de souvenirs qui rend le triste épisode flou donc encore plus difficile à surmonter.

S’agissant du message transmis par ce cénacle imperméable et fermé qu’est le Tribunal fédéral, il ne manquera pas d’être interprété par les délinquants sexuels comme un « appel à prendre l’élémentaire précaution de faire avaler à leurs victimes » l’un ou l’autre produit qui les dédouanera ensuite devant une cour de justice. Avec ce genre de décision ahurissante, la production de GHB, la drogue du violeur, va s’envoler.

Un rayon de soleil néanmoins dans l’obscurité effrayante dans laquelle notre instance suprême nous plonge, la victoire du bon sens du 18 octobre dernier. Nous avons maintenant les moyens avec nos partenaires de mener enfin la politique dont notre pays a besoin. Nous nous engageons bien sûr dès maintenant à obliger nos juges lâches et conciliants à faire leur travail et non plus à trouver toutes les arguties juridiques pour dénaturer la volonté du souverain.

Céline Amaudruz
Céline Amaudruz
conseillère nationale Genève (GE)
 
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