éditorial

Remplir systématiquement le mandat constitutionnel

Le Conseil fédéral lancera dans les semaines à venir la procédure de consultation concernant l’application de l’article constitutionnel sur le contrôle de l’immigration que le peuple et les cantons ont approuvé le 9 février 2014.

Martin Baltisser
Martin Baltisser
Secrétariat général (AG)

Le Conseil fédéral lancera dans les semaines à venir la procédure de consultation concernant l’application de l’article constitutionnel sur le contrôle de l’immigration que le peuple et les cantons ont approuvé le 9 février 2014. Les exigences de cette disposition sont claires. Il s’agit de mettre en place un système de contingents et de priorité des travailleurs résidents tout en tenant compte des besoins globaux de l’économie. Les incitations contre-productives et les abus doivent être empêchés par des mesures d’accompagnement adéquates au niveau du regroupement familial et de l’accès aux institutions sociales. Voilà la seule manière d’atteindre le but visé, donc de réduire l’immigration.

Diverses idées d’application du nouvel article constitutionnel 121a ont été lancées et débattues ces dernières semaines. De l’initiative sur les travailleurs spécialisés du département fédéral de l’économie aux "clauses de sauvegarde", en passant par des mesures d’accompagnement dans divers domaines politiques, une foule de propositions plus ou moins créatives ont été avancées.

L’unique devoir du Conseil fédéral est de veiller à l’application correcte du texte constitutionnel. Les instruments nécessaires à cet effet se trouvent dans la Constitution: plafonds annuels et contingents pour toutes les autorisations de séjour des étrangers, priorité des travailleurs résidents, prise en compte des intérêts économiques généraux. A titre de mesure d’accompagnement, il faudra restreindre les droits au regroupement familial et aux prestations sociales. Enfin, les traités internationaux en opposition avec le mandat constitutionnel doivent être renégociés et adaptés.

Conditions claires et nettes

Dans son concept d’application présenté en mai 2014 déjà, l’UDC a indiqué très concrètement la forme que devrait prendre cette législation. Au moment de la formulation du nouvel article constitutionnel, l’UDC s’est d’ailleurs basée sur les règles d’admission qui valaient entre 1970 et 2002. La limitation de l’immigration doit passer par une prise en compte aussi exacte que possible des besoins du marché du travail et par des mesures d’accompagnement supprimant les abus et incitations contre-productives.

Ce concept tient compte des inconvénients du système actuel qui instaure la libre circulation des personnes entre la Suisse et les pays UE/AELE, mais qui impose un régime relativement strict aux travailleurs d’Etats tiers en leur offrant néanmoins des conditions généreuses en termes de regroupement familial. Les chiffres parlent un langage clair: en ce qui concerne la population résidente en permanence, plus de 50% de l’immigration est due à des personnes ne venant pas en Suisse dans le but d’y exercer une activité professionnelle. Selon l’Office fédéral de la migration (ODM), plus de 50 000 personnes ont immigré en 2013 grâce au regroupement familial. Une règlementation mieux ciblée des séjours pour les engagements de durée limitée permettrait de régler au moins une partie des problèmes structurels actuels, comme en témoigne la statistique concernant la population résidente non permanente (permis de séjour de moins de 12 mois). Dans cette catégorie d’étrangers, le taux d’occupation est en effet de 85%. Les discussions portaient jusqu’ici principalement sur l’immigration nette qui atteint actuellement quelque 80 000 personnes au niveau de la population résidente en permanence. Il ne faut cependant pas oublier que la totalité des mouvements migratoires (donc l’immigration brute) est énorme en Suisse.
 

Population résidente en permanence (année 2013; Office fédéral de la statistique) 167‘000
Population résidente non permanente (année 2013; ODM) 123‘000
Frontaliers 280‘000
Procédure d’annonce (jusqu’à trois mois) 115‘000
Indépendants et travailleurs dépêchés 109‘000
Dans le processus d’asile (fin novembre 2014) 48‘000

 
Voilà en ce qui concerne le prétendu "isolement" de la Suisse.
Ces chiffres montrent que la Suisse est non seulement une des économies publiques et des sociétés les plus ouvertes du monde, mais qu’elle le restera même après l’application de l’article sur le contrôle de l’immigration.

Pas de petites combines

Le Conseil fédéral serait bien inspiré de se baser dans ses travaux futurs sur le texte constitutionnel et la volonté exprimée par le peuple. Les décisions prises jusqu’ici par le gouvernement inspirent cependant des doutes à ce propos. L’unique mesure concrète prise jusqu’ici est l’abaissement imposé à la fin de l’année passée des contingents pour les travailleurs d’Etats tiers venant exercer une activité lucrative en Suisse. Or, le problème posé par l’immigration en provenance d’Etats tiers ne concerne précisément pas les actifs. Seul 10% de l’immigration en provenance d’Etat tiers au niveau de la population résidente en permanence peuvent être attribués à cette catégorie. En chiffres: sur 41 332 immigrants d’Etats tiers (selon l’ODM), seuls 4271 sont venus pour exercer une activité lucrative. La grande majorité vit en Suisse grâce au regroupement familial, à des fins de formation et de perfectionnement, sans activité lucrative ou comme réfugiés reconnus.

Les tentatives désespérées de l’administration de cacher le fait que trois quarts environ des immigrants proviennent de l’UE grâce à la libre circulation des personnes sont problématiques. Faute d’une adaptation de la libre circulation des personnes, il ne sera jamais possible de contrôler et de réduire effectivement l’immigration. Ce constat concerne aussi bien l’application des instruments de pilotage prévus par le nouvel article constitutionnel (contingents, priorité des travailleurs résidents), que la prise de mesures d’accompagnement pour limiter l’accès aux assurances sociales et le regroupement familial. La "clause de sauvegarde" proposée par d’aucuns présente le même défaut et elle est en partie en contradiction avec l’article constitutionnel. Les contingents et la priorité des travailleurs résidents forment le cœur de cette disposition et ils sont indispensables pour contrôler et réduire l’immigration. Ce constat est confirmé par le fait que le Conseil fédéral applique exactement ces mêmes instruments efficaces pour contrôler l’immigration provenant de 160 pays.

Importantes mesures d’accompagnement

Alors que le texte constitutionnel cible les mesures d’accompagnement sur la limitation de l’accès aux institutions sociales et du regroupement familial, le Conseil fédéral mise avec sa dite "initiative des travailleurs spécialisés" sur un imbroglio de mesures de toutes sortes. Il ne faut pas trop attendre de son projet d’impliquer davantage les femmes et les professionnels de plus de 50 ans – une bonne idée au fond, mais peu efficace dans ce contexte. La Suisse affiche déjà dans ces domaines des taux d’occupation élevés en comparaison internationale. De plus, ces mesures d’intégration dans le processus du travail imposent une nouvelle professionnalisation (par exemple pour la garde des enfants) qui exigera encore une fois du personnel supplémentaire. L’implication plus forte de personnes âgées dans le marché du travail exige de surcroît un changement culturel de fond dans l’économie qu’on ne peut pas réaliser du jour au lendemain.

De nombreuses mesures d’accompagnement (marché du logement ou de l’immobilier, marché du travail) sont problématiques parce qu’elles touchent des personnes qui résident déjà en Suisse si on veut les appliquer "sans discrimination". Elles ne sont donc pas ciblées et n’ont finalement pas effet significatif sur l’immigration. Bien au contraire, certaines des mesures d’accompagnement proposées par le Conseil fédéral rendraient la Suisse encore plus attractive pour les immigrants.

Les rapports avec l’UE

Lorsque le Conseil fédéral a présenté l’été dernier son avant-projet d’application de l’article constitutionnel, il a soudainement tiré de son chapeau "la sauvegarde et le renouvellement de la voie bilatérale" qui auraient le même degré de priorité que la limitation de l’immigration. Ce projet ne concerne en rien l’article 121a, mais il entrave massivement l’ouverture de négociations utiles avec l’UE. Aussi longtemps que le Conseil fédéral n’est pas prêt à lâcher l’accord sur la libre circulation des personnes – en dernière extrémité et si les négociations avec l’UE ne donnent pas de résultat concret – la Suisse n’aura jamais une position de négociation crédible face à Bruxelles.

Il est tout aussi évident que les problèmes posés par l’immigration ne disparaîtront pas tout simplement d’eux-mêmes. Il suffit pour s’en convaincre de lire la statistique du chômage publiée à la fin de la semaine dernière pour le mois de décembre 2014. Ainsi, le taux de chômage chez les immigrants roumains et bulgares a atteint 13%. Et le fait que le taux de chômage chez les étrangers atteigne 15% en hiver dans certains cantons prouve à l’évidence qu’il existe toujours de fortes incitations contre-productives dans certaines branches saisonnières. Ces immigrants bénéficient d’autorisations de séjour durables, mais en dehors de la saison (par exemple, dans le secteur du bâtiment) ils sont "parqués" dans l’assurance-chômage. Il serait urgent d’adapter la durée des permis de séjour aux exigences effectives du marché du travail.

Le Conseil fédéral a du pain sur la planche. S’il veut s’attaquer sérieusement aux problèmes posés par l’immigration, il doit présenter un projet d’application de l’article constitutionnel fidèle au texte approuvé par le peuple et les cantons. L’UDC le mesurera en tout cas à l’aune de cette exigence.

Martin Baltisser
Martin Baltisser
Secrétariat général (AG)
 
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