Exposé

La culture est l’affaire de la culture

Pourquoi l’UDC présente-t-elle aujourd’hui un document stratégique sur la politique culturelle de la Confédération? Question d’autant plus justifiée que la culture n’était jusqu’ici pas un des thèmes

Christoph Mörgeli
Christoph Mörgeli
Stäfa (ZH)

Pourquoi l’UDC présente-t-elle aujourd’hui un document stratégique sur la politique culturelle de la Confédération? Question d’autant plus justifiée que la culture n’était jusqu’ici pas un des thèmes favoris de l’UDC et que celle-ci – comme la plupart des autres partis – ne s’est pas forgé un profil précis en politique culturelle. Nous l’admettons d’ailleurs volontiers. Le camp rouge-vert n’en fera certainement pas autant – non pas qu’il dispose de connaissances culturelles plus approfondies que les nôtres, mais parce qu’il marque toujours bruyamment sa présence quand il s’agit de réclamer de l’argent. Car, faut-il le rappeler, la politique de la gauche est une pure politique matérialiste et égoïste. Face à n’importe quel problème, la gauche propose toujours la même solution: de l’argent et encore de l’argent – aussi et même surtout en politique culturelle. Il est d’autant plus important de faire contrepoids par une conception fondamentalement différente de la culture. Pour cette raison, l’UDC a élaboré son premier document stratégique sur la politique culturelle de la Confédération. Mais il y a encore un autre motif à cette publication: premier parti de Suisse par le nombre de ses électeurs, l’UDC a une place importante dans tous les thèmes politiques, donc aussi en politique culturelle. Les dépenses fédérales pour la culture absorbent des ressources fiscales importantes et constituent donc, à n’en point douter, un sujet d’intérêt public. Enfin, l’UDC dispose aujourd’hui de suffisamment de personnes intéressées à la culture et compétentes en cette matière pour ne pas avoir à envier quoi que ce soit aux autres partis.

Qu’est-ce que la culture?
Par culture, on entend d’une manière générale tout ce que les êtres humains réalisent par leurs actions. La culture doit être soignée et soutenue pour survivre. Un Etat fédéraliste et libéral doit plus que tout autre Etat chercher à créer un climat spirituel qui favorise la multiplicité culturelle. Mais en aucun cas l’Etat ne doit ordonner une « culture d’Etat ». Il peut cependant faciliter l’accès des citoyens à la culture. On renoncera à la censure, à la mise sous tutelle et à l’exclusion dans le domaine culturel, mais cette exigence vaut aussi pour la critique de cette culture.

La politique culturelle part du principe que la culture peut être encouragée par les collectivités publiques, par exemple par un soutien de l’Etat à la création artistique ou par la conservation et la diffusion de la culture par des institutions étatiques ou des privés (fondations, sponsors ou mécènes).

La culture est l’affaire de la culture
Par principe, l’UDC estime que la culture n’est ni l’affaire de la Confédération, ni celle des cantons, ni celle des communes. Car une culture soutenue par l’Etat risque toujours de sacrifier à des modes de courte durée au lieu de créer des valeurs durables, donc dépassant l’actualité quotidienne. La politique culturelle de l’Etat ne peut donc avoir qu’un caractère complémentaire. Quand l’Etat encourage certains projets, il discrimine forcément tous les autres qui ne bénéficient pas du soutien public. Le mécénat ou le sponsoring privés sont dans tous les cas plus propices à un développement diversifié de la culture. Voilà pourquoi il faut soutenir de manière ciblée les fondations culturelles privées et les donateurs privés par des allègements fiscaux. Dans la politique culturelle officielle, les décideurs politiques soutiennent toujours la culture qui leur paraît politiquement la plus intéressante. En contrepartie, de nombreux créateurs artistiques acceptent – même sans connaître les enjeux réels – de soutenir les campagnes, diffusions de mots d’ordre et autres activités électorales des partis de gauche. On en arrive forcément à des combines plus ou moins louches et proches de la corruption: la scène politique de gauche soutient la scène culturelle de gauche et inversement.

Plus de marché dans la culture
La culture n’échappe ni à l’économie de marché ni au principe de l’offre et de la demande. Le concours des idées doit également jouer en politique culturelle. Une production qui passe à côté du public n’a guère d’intérêt. Le succès commercial doit revenir à la culture qui plaît au public. Celles et ceux qui aiment le kitsch et les réalisations superficielles doivent pouvoir en consommer comme ceux qui préfèrent des performances au-delà du « bon goût ». Mais en aucun cas l’un ou l’autre genre ne doit être soutenu par l’Etat.

Développement historique
Une forme ancienne de l’encouragement culturel était la construction de bâtiments prestigieux commandés par les puissants de l’église et de la politique. A cela s’ajoutaient des jeux et théâtres spirituels encouragés ou tolérés, mais souvent aussi censurés par le pouvoir en place. Le fédéralisme a empêché à l’époque des Lumières et de la fondation de l’Etat fédéral que la Suisse se dote, comme d’autres pays, d’une galerie d’Etat ou d’un théâtre d’Etat. En revanche, diverses institutions ont été créées pour renforcer l’identité nationale comme l’Ecole polytechnique fédérale (1854), le Musée national suisse (1890), la Bibliothèque nationale suisse (1894) ainsi que les grandes expositions nationales ou encore la Protection des monuments historiques.

Dans le cadre de la défense nationale spirituelle avant la Deuxième Guerre mondiale, la Confédération a répondu à la menace totalitaire par des actions renforçant l’identité suisse: en 1938, elle a décidé de subventionner les émissions radios en direction des Suisses de l’étranger et de reconnaître le rhéto-romanche comme langue nationale; en 1939, elle a créé la fondation pro Helvetia pour encourager la création artistique, la culture populaire et les échanges par delà les frontières linguistiques de la Suisse. En 1946, la Suisse a adhéré à l’UNESCO tout en évitant de conclure des accords culturels bilatéraux. En 1958, la Constitution fédérale a été complétée par un article sur l’aide au cinéma, puis, en 1962, par un article sur la protection du patrimoine. Une « initiative culturelle » inspirée par les revendications du courant de mai 68 et réclamant qu’un pour-cent des dépenses fédérales soit consacré à la culture a échoué devant le peuple en 1986, tout comme une proposition un peu plus modérée en 1994. La politique culturelle a reçu une base constitutionnelle dans le cadre de la révision de la Constitution fédérale de 1999 qui donne à la Confédération la compétence de soutenir la culture.

Primauté des cantons
La politique culturelle de la Suisse doit répondre aux structures fédéralistes et décentralisées de notre pays. Elle ne doit pas viser l’uniformité mais au contraire la diversité. Elle ne doit pas s’aligner sur le dirigisme culturel de l’UE, mais servir la cohésion des régions linguistiques et protéger les minorités. L’intervention de l’Etat doit être subsidiaire par rapport à l’initiative individuelle et l’encouragement privé. La priorité en politique culturelle appartient aux cantons et non à la Confédération. Canton trilingue et de montagne, les Grisons ont d’autres besoins que Bâle-Ville ou Genève.

Trop d’acteurs en politique culturelle
Il existe aujourd’hui un (trop) grand nombre d’acteurs en politique culturelle fédérale. L’Office fédéral de la culture définit la politique culturelle et prépare les dispositions légales; il coordonne et finance le soutien institutionnel au cinéma, à la lecture, à la conservation des œuvres artistiques et des monuments, à la communication de la culture, etc. La fondation Pro Helvetia avec son budget de presque 33 millions de francs est totalement supportée par la Confédération. Pour dégraisser les structures et supprimer les doubles emplois, Pro Helvetia doit être intégrée dans l’organisation pour la promotion de la Suisse. Parallèlement, il faudra réduire massivement les moyens mis à sa disposition et limiter ses tâches à un petit nombre de domaines. Le Centre de compétence pour la politique culturelle extérieure a été créé en 2004. Disposant de 1,5 million de francs et occupant 10 personnes, il est censé soutenir des projets culturels dans l’intérêt de la promotion de la paix et du respect des droits humanitaires. Créée en 2000, l’organisation Présence Suisse est chargée de susciter de la sympathie et de la compréhension pour la Suisse à l’étranger et de faire valoir la diversité et l’attractivité de notre pays.

Son budget est de 10 millions de francs et elle occupe 24 collaborateurs. Elle dispose de budgets spéciaux pour la participation de la Suisse aux expositions universelles. La Direction du développement et de la coopération (DDA) utilise une partie de son budget pour encourager la culture locale dans les régions qu’elle soutient ainsi que la propagation de ladite « culture du sud » en Suisse. A cet effet, elle dépense un peu plus de 8 millions de francs par an.

Rationaliser l’organisation

Compte tenu de ce grand nombre d’organes et d’institutions, les doubles emplois et conflits de compétences sont inévitables dans le domaine culturel. Or, l’Office fédéral de la culture dispose en fait de la compétence exclusive en politique culturelle fédérale. Il faut donc rigoureusement rationaliser les organes et les tâches en politique culturelle. La politique culturelle de la Confédération doit être concentrée auprès d’une unique unité administrative dont les tâches sont clairement définies.

Christoph Mörgeli
Christoph Mörgeli
Stäfa (ZH)
 
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