Pour le relÈvement de la TVA en faveur de l’AVS et de l’AI

Luc Recordon, conseiller national, Les Verts, Jouxtens-Mézery (VD)

Mesdames les déléguées, Messieurs les délégués,

Votre parti est pleinement conscient de ce que le maintien de notre sécurité sociale nécessite non seulement une stricte maîtrise des coûts, mais aussi des efforts financiers supplémentaires. En effet, à l’heure actuelle, vous êtes engagés dans un processus permettant de transférer dans cette direction certaines des ressources de la Banque nationale, en particulier celles provenant de la vente de l’or excédentaire. Il n’est donc pas besoin de vous convaincre sur le principe, mais bien de tenter de vous montrer que le moyen proposé, un supplément sur la TVA, peut être considéré comme adéquat.

J’admets volontiers que la situation est moins cruciale pour l’AVS que pour l’AI, en tout cas aujourd’hui. On admet généralement que le financement des rentes de vieillesse et de survivants du premier pilier est assez sûr jusqu’en 2025. C’est la raison pour laquelle la formulation est différente dans le projet soumis au vote, moins impératif pour l’AVS que pour l’AI : ce n’est que lorsqu’il sera nécessaire d’assurer le financement de l’AVS que la TVA pourra être relevée de 1,0 % en sa faveur. En revanche l’augmentation de 0,8 % destinée à garantir le financement de l’AI devra être effectuée, seule la date exacte d’entrée en vigueur étant laissée à l’appréciation du Conseil fédéral.

Et cette différence se justifie dans les faits : l’assurance invalidité est aujourd’hui elle-même une handicapée. Elle n’a pas le dos assez solide pour porter tout le poids des rentes de plus en plus nombreuses à servir ; la colonne vertébrale de l’AI se déforme et menace de se rompre. Toute la question est de savoir si elle plie avant tout sous le poids de rentes exagérées, voire carrément indues, ou si ce fardeau très pesant est inévitable.

Qui d’ailleurs peut l’affirmer aujourd’hui avec certitude ? Personne de manière absolue bien entendu, mais quand même beaucoup de gens peuvent donner un avis pertinent basé sur leur expérience pratique. Les médecins, les employés des hôpitaux, les assureurs, les avocats, etc., tous voient passer un certain nombre de patients sollicitant une rente ou son renouvellement. Dans mon cercle de connaissances, l’avis est unanime : il y certes des malades imaginaires et des personnes douillettes, il y a même quelques profiteurs, mais les organes de l’assurance invalidité deviennent eux-mêmes de plus en plus stricts. L’avis général que j’entends autour de moi, c’est donc que le pourcentage de rentes accordées à tort, dans leur principe ou dans leur quotité, n’a pas changé au cours des dernières dizaines d’années.

Bien au contraire, le sentiment général est, très malheureusement, que la santé de la population empire et tout particulièrement la santé mentale ; on sait en effet que les rentes AI accordées pour des raisons psychiques subissent une hausse bien plus frappante que les autres. Le phénomène n’est pas limité à la Suisse, il y a des années que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) tire la sonnette d’alarme sur la dégradation de la santé mentale à travers le monde. Ce phénomène n’est pas facile à expliquer, mais quelques pistes existent. J’en vois en tout cas deux évidentes :

– le manque de repères clairs des générations montantes, un peu désorientées, auxquelles tout d’abord les parents, mais aussi l’école et diverses institutions, ont eu passablement de peine ces dernières années à montrer les limites de ce qui est acceptable ou non ;

– ce manque d’autorité contraste avec la rigueur, parfois même la violence, de l’univers où nous vivons, où le monde du travail par exemple exige toujours plus de l’individu en termes de compétitivité et de résultats, ce qui anéantit de plus en plus les personnes au psychisme affaibli et à qui l’éducation n’a pas donné un cadre clair.

Tout cela sans parler des personnes cassées par la confrontation avec la violence physique elle-même ou victimes d’accidents, dont les nouvelles occasions ne cessent de se présenter, par exemple par l’accroissement des voyages et la multiplication des sports extrêmes.

Il n’y a donc pas lieu en règle générale pour ceux qui paient la TVA de penser qu’on les pressure avec facilité comme des citrons pour financer la rente de quelques profiteurs. Non seulement pour les raisons qui viennent d’être dites, mais aussi parce que – chacun peut s’en rendre compte – de disposer d’une rente AI n’a rien en soi de confortable, si elle n’est pas complétée par une rente invalidité professionnelle et surtout par des revenus personnels annexes ; cela ne peut donc pas concerner un bien grand nombre de gens. Mais il y a davantage : les mesures de révision des rentes sont en voie de durcissement et surtout le monde du travail est en train de prendre conscience de la nécessité de privilégier les mesures de réinsertion des invalides, chaque fois que cela est possible pour remplacer une rente. Là encore, un effort de volonté est possible et nécessaire ; celui qui vous parle, physiquement invalide à 70 %, exerce à plus que plein temps sa profession d’avocat, le mandat d’administrateur bancaire et la fonction d’homme politique, tout en employant à plein temps un avocat stagiaire aveugle.

Je n’entends pas allonger, Mesdames les déléguées, Messieurs les délégués, me contentant de vous réaffirmer avec conviction que 0,8 % de TVA pour l’AI et, lorsque le besoin se fera jour, 1,0 % de supplément de TVA pour l’AVS ne constituent pas une grande violence pour le consommateur, ni pour l’économie, surtout en cette période de très basse inflation, où la mesure sera pour ainsi dire invisible. Il faut, regrettablement mais nécessairement, consentir cet effort pour rester juste et équitable.

 
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