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Le directeur de la télévision alémanique se risque en politique

Le directeur désigné de la radio et de la télévision alémaniques, Rudolf Matter, se risque sur le parquet glissant de la politique. Dans une interview parue dans la presse dominicale d’hier, il…

Le directeur désigné de la radio et de la télévision alémaniques, Rudolf Matter, se risque sur le parquet glissant de la politique. Dans une interview parue dans la presse dominicale d’hier, il exige, d’une part, plus de sérieux dans les émissions d’information et, d’autre part, moins de confrontations entre l’UDC et le PS dans l’émission « Arena » de la TV alémanique. Puis il fait l’éloge des partis du centre. Si, en demandant plus de sérieux dans l’information, Roland Matter avoue l’existence d’un problème réel, mais volontiers nié par les responsables de la SSR, sa critique à l’encontre de l’émission « Arena » réchauffe des platitudes politiques qu’avaient déjà propagées son prédécesseur Ueli Haldimann et le ministre des médias Moritz Leuenberger. Ces allégations ne deviennent pas justes à force d’être répétées. Elles traduisent bien plus la peine des journalistes à résister à la tentative de faire eux-mêmes de la politique.

L’été dernier aussi les médias de la SSR ont procédé à des choix thématiques difficiles à justifier objectivement. Les émissions d’information s’y sont tout particulièrement distinguées. Nous avons déjà évoqué ici quelques-unes de ces curieuses attitudes. Rappelons par exemple le « compte rendu » de l’assemblée des délégués de Delémont: le contenu des débats a été ignoré au profit de tentatives laborieuses de construire des tensions à l’intérieur du parti alors que cet aspect avait été à peine évoqué lors de l’assemblée. Ou encore cette émission du téléjournal qui montait en épingle de prétendues tensions entre partis bourgeois durant la campagne pour la révision de l’assurance-chômage. Le débat portait en fait sur la date d’entrée en vigueur de la révision, un détail certes important, mais la solution du problème et l’entrée définitive de l’UDC dans la campagne pour la révision n’ont pas été dignes d’un compte rendu aux yeux des journalistes de la SSR. Il existe encore bien d’autres exemples du même genre.

La réponse aux réactions critiques adressées aux responsables de ces émissions est toujours la même: une attitude défensive s’exprimant par des déclarations verbeuses et sentencieuses sur l’indépendance des journalistes et l’intérêt public – les auteurs des émissions décidant de toute évidence eux-mêmes ce qui est d’intérêt public et ce qui ne l’est pas. Si le nouveau directeur de la télévision réussit effectivement à imposer un peu plus de « sérieux », donc à mettre fin aux attitudes suffisantes et aux négligences professionnelles évidentes de ses rédactions, il aura en effet du mérite.

Les médias et la politique
Il n’est en revanche guère indiqué pour un journaliste de s’ériger en arbitre dans le débat politique. La déclaration de Roland Matter, selon lequel l’UDC et le PS auraient trop de place dans l’émission « Arena », manque à la fois d’originalité et de fondement. Son prédécesseur Ueli Haldimann (en janvier 2010) et le ministre des médias Moritz Leuenberger (mai 2010) ont mis le même disque (le premier en exigeant lui aussi plus de sérieux dans l’information avec le résultat que l’on connaît). Le fait est bien plus que les règles de l’émission « Arena favorisent clairement les partis du centre. Alors que l’UDC et le PS n’ont en règle générale qu’un seul représentant, le centre politique en a deux, trois ou même quatre en raison de son fractionnement. Une telle représentation est clairement excessive par rapport à la part électorale de ces partis. Cela dit, c’est leur problème si, malgré cet avantage, ils ne parviennent pas à laisser une impression durable auprès des téléspectateurs. Mais ce n’est certainement pas la tâche d’une télévision de droit public de combler cette lacune en arrangeant la conception des émissions à l’avantage du centre politique.

En faisant des déclarations dans ce sens, Rudolf Matter s’engage sur un terrain très mouvant en termes politiques. Et il s’enlise définitivement quand il dit: « Les solutions dans des questions politiques difficiles ne sont souvent trouvées que grâce à la participation des partis du centre. » Cette déclaration serait tout aussi fausse s’il avait remplacé « partis du centre » par « UDC et PS ». Plusieurs votes de la dernière session parlementaire en ont fait la preuve: sans partenaire « à droite » ou « à gauche », le centre ne parvient pas à imposer une « solution », ni au parlement, ni à plus forte raison dans le peuple. Si telle devait néanmoins être la conviction de Roland Matter, nous lui conseillons vivement de renoncer à son nouveau poste le 1er janvier 2011 et d’être plutôt candidat à un siège au Parlement. Il pourra y politiser à sa guise et laisser libre cours à ses préférences politiques.

 
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