éditorial

Voulez-vous parier?

Les médias propagent depuis quelques jours la rumeur selon laquelle la Commission européenne rejetterait l’offre du Conseil fédéral de régler les questions institutionnelles. Il semble que, dans…

Martin Baltisser
Martin Baltisser
(AG)

Les médias propagent depuis quelques jours la rumeur selon laquelle la Commission européenne rejetterait l’offre du Conseil fédéral de régler les questions institutionnelles. Il semble que, dans une première approche des propositions suisses, ladite commission ne dise que du mal de l’accord-cadre suggéré par la Berne fédérale dans le domaine de l’électricité, convention qui devrait par la même occasion servir de modèle à la future coopération institutionnelle. Comment s’en étonner dès lors que le 20 mars 2012, M. Barroso, président de la Commission européenne, avait de facto annoncé la fin de la voie bilatérale à l’issue d’un entretien avec la présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf? Il sera intéressant de connaître la réaction du Conseil fédéral à l’attitude de l’UE. Plusieurs indices annoncent que le gouvernement pourrait relancer l’EEE comme nouvelle option.

En fait, tout concorde. Depuis quelque temps déjà, Bruxelles augmente les pressions sur la Suisse pour la pousser à s’intégrer davantage dans l’Union européenne. Il s’agit, pour reprendre la terminologie de la Commission européenne, de dépasser le niveau de la coopération sectorielle qui marque depuis vingt ans les relations entre la Suisse et l’UE. Cette dernière souhaite une large harmonisation des régimes juridiques par le biais d’une reprise automatique du droit UE par la Suisse – et cela non seulement dans les domaines régis par les nouveaux accords, mais aussi dans ceux correspondant aux conventions bilatérales déjà en vigueur.

Procédant comme de coutume de manière dissimulée quand il est question des rapports avec l’UE, le Conseil fédéral a réagi cet été aux souhaits de l’UE en lui soumettant un accord-cadre institutionnel « emballé » dans un traité à priori anodin sur l’énergie électrique. Face au public suisse, le gouvernement a présenté ce projet comme un prolongement de la voie bilatérale, mais en réalité il a repris des dispositions essentielles du traité EEE que le souverain suisse a rejeté en 1992. Dans le message que la présidente de la Confédération, Eveline Widmer Schlumpf, a adressée à ce propos au président de la Commission européenne, M. Barroso, les lettres EEE paraissent non moins de dix fois. Et il est vrai que les mécanismes proposées par la Suisse pour la reprise du droit UE, l’interprétation des dispositions légales, le contrôle et le règlement des litiges s’inspirent largement des règles de l’EEE.

Relance du débat sur l’EEE

Parallèlement à ce processus, l’EEE vit comme par hasard une véritable renaissance dans le débat public en Suisse. Les quotidiens comme les médias électroniques l’ont fait revivre dans le courant de la semaine dernière. Même le négociateur en chef de l’époque a été tiré de sa retraite pour louer une fois de plus les avantages de cet accord que le peuple suisse a osé rejeter en 1992. Il va de soi que l’on n’omet pas non plus de préciser à quel point les membres de l’EEE, le Liechtenstein et la Norvège, se portent bien. Et même le Nouveau mouvement européen, qui depuis quelques années végétait dans son coin sans que personne ne s’en rende trop compte, semble avoir repris du poil de la bête. Lui aussi à soudainement thématisé l’EEE dans le cadre d’une manifestation réunissant les protagonistes de l’époque. A le croire, il s’agirait là d’un « plan B » dont la Suisse aurait un urgent besoin.

Or, le Conseil fédéral a toujours nié jusqu’ici tenir un tel plan B en réserve. Le fait est que la Suisse n’a actuellement pas besoin de nouveaux accords avec l’UE. Soit les accords en vigueur posent de gros problèmes à la Suisse (libre circulation des personnes, Schengen-Dublin), soit ils fonctionnent, si bien qu’il n’est nullement nécessaire de les étendre. De surcroît, les incertitudes qui planent sur l’espace UE sont toujours lourdes. Dans la situation difficile actuelle, la Suisse est plus à l’aise à l’extérieur de l’UE, et cela vaut pour presque tous les domaines.

Reste que le tapis rouge déroulé actuellement sous les yeux du public suisse est presque trop séduisant. Et les éléments du puzzle s’ajustent presque trop bien. Le refus de Bruxelles annoncé par les médias convient parfaitement bien à certains milieux. On est prêt à parier que le Conseil fédéral y trouvera un prétexte pour relancer l’idée surannée de l’EEE. En tout cas, les adversaires de ce rattachement de la Suisse à l’Union européenne seraient bien inspirés de se préparer à ce scénario.

Martin Baltisser
Martin Baltisser
(AG)
 
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