La neutralité n’est pas un impératif moral mais un principe, une maxime d’Etat

« La neutralité de la Suisse ne doit pas dépendre des circonstances, elle est acquise une fois pour toutes. Sa force repose sur sa clarté et sa constance. La distinction entre sanctions militaires et économiques serait aujourd’hui trompeuse pour la Suisse. Si elle recourait à des moyens de pression économiques, elle pourrait être jugée selon les mêmes critères qu’un Etat qui prendrait des mesures militaires. »

Roger Köppel
Roger Köppel
conseiller national Küsnacht (ZH)

C’est à travers ces paroles clairvoyantes que les responsables de la Suisse ont réaffirmé, en 1938, la neutralité armée perpétuelle qui allait préserver notre pays de la mort, de la destruction et de la ruine pendant la Deuxième Guerre mondiale. Toutefois, la sagesse de l’époque n’est plus légion chez nos actuels responsables. Pour la première fois, le Conseil fédéral a repris toutes les sanctions de l’Union européenne contre un autre Etat. Un véritable copier-coller. Parallèlement, au sein des opaques départements de cette usine à rêves qu’est l’administration fédérale, on s’amuse à se convaincre naïvement que la Suisse est toujours neutre, alors que le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis, le président américain Joe Biden et les médias du monde entier parlent d’un « changement d’époque » et de l’abandon de la neutralité suisse.

Nos politiciens croient-ils sérieusement que les sanctions prises à l’encontre de la Russie ne constitue pas un parti pris dans cette guerre ? La Russie voit les choses autrement. La guerre économique est pleinement engagée, l’industrie horlogère suisse est la première à en payer le prix. Les guerres économiques restent des guerres et peuvent s’avérer mortelles. Elles peuvent affamer des peuples entiers, elles peuvent mettre en péril des civilisations. Les arsenaux nucléaires de la Russie et de l’OTAN sont opérationnels, une escalade reste plausible.

La sécurité devrait être la tâche suprême de l’Etat. Or, le Conseil fédéral s’égare ; il abandonne la neutralité, le principal instrument de sécurité de la Suisse. La neutralité n’est pas une fin en soi : elle sert la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse. Un Etat neutre n’attaque pas et en retour, il n’est pas attaqué. C’est grâce à cette neutralité que la Suisse a pu traverser les Enfers du XXe Siècle sans trop de dégâts.

La neutralité et la volonté de se défendre vont de pair. Là où l’armée disparaît, il n’y a plus de neutralité. La neutralité sans armes est parasitaire, elle vit de l’aide militaire d’urgences d’autres Etats. Une Suisse faible et sans défense n’a pas non plus le pouvoir d’être neutre.

La neutralité est aussi une politique de paix fondamentale, un renoncement volontaire à une politique extérieure de puissance. La Suisse applique ce principe de paix sur lequel elle fonde également ses relations avec d’autres Etats et d’autres peuples. Dans un monde si belliqueux, quiconque se tient à l’écart des guerres contribue à rendre le monde un peu plus pacifique.

La neutralité est aussi et surtout une digue contre les vagues émotionnelles ; elle nous préserve des passions débridées, de la belligérance irréfléchie et de l’absence de prise en compte de la cruauté et de la violence. Elle ne laisse pas de place à l’ivresse de la victoire, ni à la fascination de la guerre.

Mais la neutralité offre également une protection de la population et des opinions personnelles des citoyens. Notre neutralité nous assure l’indépendance, la liberté intellectuelle et morale de juger par nous-mêmes. Notre Etat est une association, au but déterminé qu’est la défense du droit et en aucun cas notre tuteur moral. La formation des idéaux est l’affaire des hommes, des familles, des églises, des associations, des partis politiques mais jamais de l’Etat. La neutralité politique a également pour but de garantir l’indépendance de notre jugement. L’Etat n’a aucun droit de nous enfermer, nous, citoyens, dans une ligne de conduite morale ou politique spécifique.

En temps de guerre, quiconque exprime désormais une opinion divergente poignarde automatiquement son propre gouvernement dans le dos. En rompant avec sa neutralité, le Conseil fédéral encourage le despotisme d’opinion vertueux, l’uniformité, l’arrogance bruyante de la prétendue majorité face à la minorité qui ose penser différemment et qui, peut-être, constitue en vérité la majorité silencieuse.

La neutralité n’est pas un impératif moral, mais une maxime d’Etat. Ce que les Suisses pensent, ressentent et disent publiquement est laissé à leur appréciation. Personne n’est obligé de se taire. Toutefois, l’Etat doit rester strictement neutre ; tout le reste le place en partie prenante de la guerre.

C’est dans cet esprit que l’UDC Suisse souhaite aujourd’hui adopter une résolution sur la neutralité. Je vous demande de l’approuver avec force et à l’unanimité. Si les autres abandonnent la neutralité, nous, nous ne le ferons pas ! Si les autres veulent être des belligérants, nous, nous ne le voulons pas ! Tenons-nous en à la neutralité armée perpétuelle de la Suisse, à cette neutralité qui a maintes fois fait ses preuves !

Roger Köppel
Roger Köppel
conseiller national Küsnacht (ZH)
 
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