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Pour une politique des transports indépendante en Suisse: non au contreprojet à l’initiative Avanti

Par Andrea Hämmerle, conseiller national, Pratval (GR)

La politique des transports est un des rares domaines dans lesquels la Suisse suit une voie indépendante et progressiste. Cette situation devrait en fait convenir à l’UDC. De plus, le peuple suisse a confirmé à plusieurs reprises cette politique: il a dit oui à l’article sur la protection des Alpes (contre l’avis du Conseil fédéral et de la majorité du parlement), aux NLFA, à Rail 2000, à la Redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP). Il est donc évident que le peuple souhaite transférer dans une large mesure le trafic de la route au rail et qu’il entend, à côté de l’achèvement du réseau des routes nationales, investir davantage dans les transports ferroviaires. Au lieu d’appliquer cette volonté populaire, certains élus politiques n’ont jamais accepté les résultats de ces votations et cherchent constamment des voies et des moyens pour les éluder. C’est de ces milieux, précisément, qu’émane l’initiative Avanti et aussi le contreprojet. Je me limite ici à développer cinq arguments qui s’opposent au contreprojet.

1. Ce contreprojet est extrêmement discutable sur le plan des principes démocratiques. Le peuple et les cantons ont approuvé l’article sur la protection des Alpes contre la volonté du Conseil fédéral et du parlement. Cette votation a donné le coup d’envoi à une politique des transports moderne telle que la Suisse la pratique aujourd’hui. L’article sur la protection des Alpes repose sur une conception globale. D’une part, il formule le principe du transfert de la route au rail: le transit alpin de marchandises doit donc se faire par le rail; d’autre part, il interdit toute augmentation de la capacité des routes de transit. Sur ce plan, le tunnel routier du St-Gothard joue un rôle de premier plan. Il n’est donc ni correct ni démocratique que de réduire la portée de cet article par un multipack prévoyant l’élargissement des autoroutes sur le Plateau, l’assainissement du trafic d’agglomération et la création d’un fonds routier. Le contreprojet à l’initiative Avanti annihile en fait la partie routière de l’article sur la protection des Alpes. Il n’est pas acceptable qu’un citoyen qui souhaite améliorer le trafic d’agglomération doive aussi voter pour un deuxième tunnel routier par le St-Gothard. Il n’y a pas de lien de cause à effet entre les deux affaires.

2. Le contreprojet constitue une erreur monumentale sur le plan de la politique des transports. Le but de la politique suisse des transports est de transférer un maximum de trafic de la route au rail. En forçant l’élargissement des principaux axes autoroutiers, on atteint juste l’objectif inverse. Au lieu de transférer le trafic, le contreprojet Avanti transfère les bouchons vers les agglomérations de Genève, Lausanne, Berne, Zurich, Bâle, Lucerne et Lugano.

3. Le contreprojet est contraire aux principes de la politique financière. Pourquoi? Il concurrence les grands projets des transports publics (NLFA, Rail 2000) et menace leur rentabilité – qui est aujourd’hui déjà remise en question par les élus politiques défenseurs de la route. De plus, le nouveau fonds routier privilégie – tout en ignorant le frein à l’endettement – les principales routes nationales et certains projets des agglomérations qui ne sont même pas encore clairement définis. Les autres projets devront se contenter des miettes qui resteront.

4. Ce contreprojet est lamentable sur le plan de la protection de l’environnement. Il entraîne une augmentation du trafic, donc de la pollution de l’air. La problématique du CO2 est aggravée au lieu d’être résolue. Et cela bien que nous assistions à des changements climatiques inquiétants qui exigent d’urgence un soutien systématique aux transports publics, ferroviaires notamment. La politique des transports est l’élément stratégiquement le plus important de la politique climatique. Un changement stratégique qui privilégie des aménagements routiers pour plusieurs milliards de francs sabote une politique climatique raisonnable. Est-ce là la leçon que nous tirons de la canicule de l’été 2003?

5. Ce contreprojet a des conséquences fatales au niveau de la politique européenne. Il fait comprendre à l’UE que la Suisse ne tient finalement pas trop au transfert du trafic de la route au rail. Donc, au lieu d’adapter systématiquement leur logistique aux transports combinés, les transporteurs européens miseront à nouveau pleinement sur leurs camions. Le ministre allemand des transports n’a d’ailleurs pas manqué de déclarer dans un entretien accordé à la « NZZ » qu’il se réjouissait de l’ouverture d’un deuxième tunnel sous le St-Gothard aux camions et voitures de tourisme de son pays.

Et qu’en est-il du chapitre « trafic d’agglomération » qui est censé faire passer la pilule amère? Le trafic d’agglomération est effectivement un problème lancinant. Les agglomérations sont étouffées par le trafic (automobile). Le contreprojet aborde certainement ce problème, mais de manière hypocrite. D’abord, il impose un trafic supplémentaire considérable aux agglomérations en élargissant les principales routes nationales, ensuite il propose des mesures pour améliorer les infrastructures de transport des agglomérations. Sur les 1,5 milliard de francs, juste 300 millions – si on y croit! – reviennent au trafic d’agglomération (donc un cinquième). La moitié est affectée aux constructions routières. Restent donc pour les transports publics des agglomérations quelque 150 millions de francs qu’il faut répartir entre 50 agglomérations. C’est dire que le financement promis des différents projets RER repose sur pas grand-chose. Cet argent suffira tout juste à financer quelques abris pour les arrêts de tram.

Conclusion: le contreprojet à l’initiative Avanti inverse d’une manière démocratiquement douteuse la politique des transports indépendante que pratique la Suisse actuellement. Je ne peux pas m’imaginer que la base de l’UDC approuve cette manière de faire. Cette base avait en effet déjà voté autrement que ne lui avait suggéré son assemblée des délégués lors de la votation décisive sur l’initiative pour la protection des Alpes. Maintenons une politique qui a fait ses preuves et disons non au contreprojet à l’initiative Avanti!

Merci de votre attention.

 
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